Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au texte des Evangiles, qui, du XIIIe au XVIe siècle, a fourni aux peintres les plus éminens de l’Italie tant de compositions émouvantes, il a pensé qu’après avoir épuisé cette source primitive, il devait s’adresser à une source plus récente, interroger les pères de l’église. A mon avis, c’est une méprise. Si M. Périn, au lieu de manier le pinceau, eût entrepris de nous expliquer la formation du dogme catholique, j’approuverais sa méthode comme excellente, car il y a certainement dans le catéchisme de Meaux, signé du nom de Bossuet, bien des idées qui ne se trouvent pas dans les Evangiles; mais puisqu’il ne voulait aborder ni l’histoire ni la philosophie, puisqu’il ne se proposait pas de scruter le développement du dogme catholique, et de comparer les croyances décrétées par le concile de Trente aux traditions du Nouveau-Testament, il eût agi plus sagement en prenant pour thème unique de ses compositions les évangélistes. Sa tâche ainsi comprise eût été singulièrement simplifiée; saint Matthieu, saint Marc et saint Luc rapportent l’institution de l’eucharistie d’une manière uniforme; il est vrai que saint Jean n’en dit pas un mot, et de la part du disciple bien-aimé, ce silence est au moins étrange ; mais comme le récit de saint Jean s’accorde sur les autres points avec le récit des autres évangélistes, son silence sur l’institution de l’eucharistie ne suffit pas à dérouter la foi chrétienne. Ce que je tiens à établir, ce qui demeure évident pour tous les esprits habitués à comparer la tâche du philosophe et de l’historien avec la tâche de l’artiste, c’est que le texte des Evangiles convient beaucoup mieux à la peinture que les commentaires les plus éloquens des pères de l’église. Utiles à consulter dès qu’il s’agit d’étudier le développement historique des croyances, les pères de l’église ne sauraient lutter d’autorité avec le texte des Evangiles, et cette vérité si évidente pour les philosophes n’est pas moins évidente pour les peintres et les statuaires. La tradition des évangélistes nous offre des scènes très simples, et qui se prêtent naturellement au travail du pinceau et de l’ébauchoir, tandis que les commentaires prodigués par les pères des églises grecque et latine, souvent très remarquables comme preuve de finesse et de subtilité, n’ajoutent rien à l’évidence de la tradition, et souvent même réussissent à en troubler le sens à force de vouloir l’expliquer. C’est pour avoir méconnu cette différence, si facile pourtant à signaler, que M. Périn n’a pas obtenu tout d’abord les sympathies et les applaudissemens qu’il mérite. Les qualités les plus solides de son talent sont trop souvent masquées par un raffinement de pensée que les pères de l’église peuvent expliquer, mais que l’Evangile n’accepte pas.

Cependant je ne voudrais pas insister trop longtemps sur cette méprise, car je ne crains pas qu’elle devienne contagieuse. Si M. Périn