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Les oppositions réunies dans le congrès ne forment point un corps assez compacte pour tenir en échec le cabinet. Elles ne dépassent point d’ailleurs, dans leur ensemble, le chiffre de quatre-vingts voix, et ce qu’on a pu remarquer, c’est la défaite électorale de quelques-uns des membres les plus éminens du parti progressiste, de M. Olozaga, de M. Escosura notamment. Par contre, le ministre de l’intérieur de l’ancien cabinet, M. Bertran de Lis, a également échoué dans les élections. C’est, à ce qu’il paraît, une chose passée en usage, que cette mésaventure des ministres de l’intérieur quand ils quittent le pouvoir. Déjà, il y a deux ans, après la retraite du cabinet Narvaez, dont il faisait partie, M. le comte de San-Luis avait subi le même sort, et il est aujourd’hui rentré au congrès. C’est le 1er mars que se sont réunies les chambres, et la session est maintenant en pleine activité. Le premier acte du congrès a été la nomination à la présidence de M. Martinez de la Rosa, qui était le candidat du ministère, et qui d’ailleurs a réuni à peu près l’unanimité des voix. Aujourd’hui le congrès est absorbé par le lent et ingrat travail de la vérification des pouvoirs. Chose étrange, quelque vivacité qui éclate parfois dans ces discussions, ce n’est point cependant au congrès qu’ont eu lieu jusqu’ici les débats les plus ardens et les plus animés, c’est dans le sénat. Le sénat semble être plus particulièrement le foyer d’une opposition active et impatiente, et c’est pour cela probablement que le cabinet a pris soin de nommer un certain nombre de nouveaux sénateurs qui viendront heureusement rétablir l’équilibre. Déjà deux graves discussions ont eu lieu au sénat, l’une au sujet d’une proposition de M. Peña-Aguayo, touchant le dernier décret sur la presse, l’autre à l’occasion d’une réclamation adressée à la haute chambre par le maréchal Narvaez sur les mesures dont il a été récemment l’objet. La première de ces discussions a été résolue dans un sens favorable au ministère ; l’autre a amené simplement, avec l’adhésion du gouvernement, la nomination d’une commission chargée d’approfondir la question. Dans tous ces débats, au surplus, on peut le remarquer, il y a de la part des oppositions une certaine impatience ardente et mal contenue, un penchant perpétuel à multiplier les discussions irritantes. Il semble que les partis sont sous l’obsession de ces projets de réformes constitutionnelles dont il a été si souvent question. Ces projets, en effet, paraissent devoir être prochainement présentés. Les principales modifications, assure-t-on, doivent consister dans la prérogative accordée à la reine de nommer des sénateurs héréditaires, et dans un changement de la loi électorale, qui étendrait le droit d’élection dans la classe des propriétaires et le restreindrait dans les autres classes. Il est aisé de voir que, même dans ces conditions nouvelles, le régime constitutionnel subsisterait tout entier. Le meilleur moyen, au reste, de recommander ce genre de gouvernement et de le préserver de tout danger, ce n’est point de consumer des séances entières, comme semblent vouloir le faire les oppositions de l’Espagne, en stériles débats, tels que celui de savoir comment il faut introduire une interpellation ; c’est de le pratiquer avec modération, avec prudence, et surtout avec un esprit de juste et féconde conciliation.

Au milieu des alternatives de notre temps et des chances diverses des régimes politiques, on pourrait se demander, sans trop de prétention, s’il n’est point des pays qui, par leur caractère, semblent plus spécialement propres à cette vie constitutionnelle que l’Espagne travaille péniblement à maintenir