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le meilleur moyen de pacification. Malheureusement L’Autriche est comme conquérante en Lombardie ; elle sent bien que dans tout soulèvement il y a quelque chose de plus qu’une émeute ordinaire : il y a le péril permanent d’une explosion de l’instinct national ; de là ce besoin ardent de détruire tous les élémens de résistance, d’atteindre et de frapper tout ce qui peut lui créer un danger, et dans cette voie les rigueurs engendrent les rigueurs. Aux sévères mesures que l’Autriche a déjà prises, elle vient d’en ajouter une bien faite pour tendre encore plus cette situation critique : elle vient de mettre sous le séquestre les biens de tous les émigrés lombards répandus aujourd’hui soit dans les autres pays de l’Italie, soit dans le reste de l’Europe. Mais c’est ici que s’élève une complication nouvelle. Beaucoup de ces réfugiés, et les plus éminens, notamment le comte Borromeo, le duc de Litta, sont aujourd’hui sujets sardes ; ils sont sous la protection du gouvernement piémontais, et ne sont plus même émigrés, à vrai dire. Le cabinet de Turin peut-il laisser violer dans leur personne les privilèges de la nationalité piémontaise ? Il y a là, on le comprend, une des questions les plus délicates, non point qu’elle soit douteuse en droit, mais en raison de la situation réciproque de l’Autriche et du Piémont en Italie. C’est ainsi que le gouvernement de Turin, après avoir agi avec une énergique loyauté dans l’affaire de Milan, se trouve engagé dans une complication inattendue. Déjà, on a dit qu’il s’était adressé à l’Angleterre comme puissance médiatrice. Ce ne serait peut-être pas en ce moment le meilleur moyen d’arriver à un facile dénoûment. Cela suffit dans tous les cas pour faire sentir une fois de plus combien de périlleux élémens peuvent se retrouver dans les relations de l’Autriche et du Piémont. Quant à la Suisse, le blocus du Tessin n’a point cessé, et rien ne démontre que les mesures rigoureuses qui semblent être dans la pensée du gouvernement autrichien ne doivent, jusqu’au bout, recevoir leur exécution. Le conseil fédéral a espéré un moment désarmer l’Autriche en prescrivant l’internement de tous les réfugiés ; mais cela n’a point suffi, et la question se trouve aujourd’hui plus compliquée que jamais. Le conseil fédéral a essayé, après une vaine tentative de conciliation, de protester tant contre le blocus du Tessin que contre l’expulsion de ses nationaux de la Lombardie, il a même distribué une somme de 10,000 francs aux expulsés tessinois, comme pour confirmer ses protestations ; mais cela évidemment ne résout rien. La question reste entière. Aujourd’hui c’est aux gouvernemens européens, et particulièrement à l’Angleterre et à la France, que le conseil fédéral fait appel, assure-t-on. La Suisse a par malheur réussi à se rendre suspecte, depuis que les gouvernemens révolutionnaires l’ont en quelque sorte subjuguée, et c’est ce sentiment de défiance qui est indubitablement le plus efficace auxiliaire de l’Autriche.

L’Espagne est heureusement à l’abri de ces agitations où se trouve engagée jusqu’à un certain point la paix, ou du moins les bons rapports de plusieurs pays ; mais elle en a qui lui sont propres. La crise où elle est entrée depuis quelque temps n’est point arrivée à son terme ; elle continue au contraire. Il est seulement permis d’espérer aujourd’hui qu’une politique ferme et modérée à la fois réussira à ôter à la situation du pays ce qu’elle a eu un moment de critique et de périlleux. Des élections ont eu lieu récemment, comme on sait, et la majorité qui en est sortie en faveur du ministère n’est point douteuse.