Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intérêt qui s’attache aux relations de l’Angleterre avec le Céleste Empire. Sous ce titre : China during the war and since the pence, sir John Francis Davis, ex-gouverneur de la colonie de Hong-kong et plénipotentiaire de sa majesté britannique en Chine, nous montre sous un jour nouveau les grandes affaires auxquelles il a pris part depuis le traité de Nankin ; il nous fait toucher du doigt, par des révélations curieuses, quelques-unes des causes qui ont laissé la société chinoise dans un état d’infériorité si marqué vis-à-vis de l’Europe.

Les mœurs politiques et administratives de l’Angleterre permettent à certains personnages éminens de rendre compte des événemens au milieu desquels ils ont joué un rôle. Le gouvernement anglais ne redoute pas ces confidences personnelles, destinées à jeter la lumière sur des faits généralement peu connus. Il sait que les agens investis de sa confiance observeront dans l’exposé ou dans la défense de leurs actes la discrétion et la mesure que commande le patriotisme. Grâce à cette tolérance, qui s’accorde avec les institutions d’un peuple libre, la politique extérieure de la Grande-Bretagne, discutée chaque jour au parlement et dans les meetings, possède de nombreux historiens dont nous pouvons dès à présent recueillir le témoignage et que l’avenir consultera avec fruit. C’est dans les rapports adressés ainsi à l’opinion publique que se rencontre l’explication fidèle des incidens qui se sont produits dans les régions les plus lointaines où s’exerce l’infatigable action de la diplomatie anglaise. A ce titre, le livre de sir John Davis présente un attrait particulier : il nous transporte à l’extrémité de l’Asie, au milieu des armées chinoises, au sein même du cabinet impérial, sur un théâtre entièrement neuf, dont l’Europe, hier encore, devinait à peine les scènes étranges et les aspects infiniment variés.

Quelle opinion le gouvernement chinois, avant la guerre de 1840, s’était-il formée de ces barbares avec lesquels il se préparait à entrer en lutte? Quelle impression produisaient, à Pékin et dans les provinces, les événemens dont chaque courrier apportait la nouvelle? En quels termes étaient rédigées les instructions transmises aux mandarins et les dépêches que ceux-ci envoyaient à l’empereur? En un mot, que se passait-il à l’intérieur de l’empire pendant que l’escadre et l’armée anglaises promenaient si aisément leurs drapeaux victorieux des rives du Chou-kiang au golfe de Petchili? Voilà, à vrai dire, le point de vue le plus intéressant, le plus nouveau surtout, à étudier dans l’histoire de la campagne de Chine. Les correspondances saisies dans le cours de l’expédition et traduites par le docteur Gutzlaff ont fourni à sir John Davis les tableaux et les personnages du drame singulier qui se jouait derrière le champ de bataille. Il faut suivre les péripéties de ce drame parfois comique, dont le dénoûment amena l’union forcée et médiocrement assortie du Céleste Empire et de l’Europe. Il y a là des enseignemens qu’il est utile aujourd’hui de méditer, en présence du mouvement qui rapproche de plus en plus les intérêts de l’Europe et ceux de l’extrême Orient.

La Chine passe avec raison pour un pays de lettrés. L’instruction y est en grand honneur : chaque village possède une école où les enfans de la condition la plus humble vont recevoir le premier enseignement. Dans les chefs-lieux de districts et dans les capitales de provinces, les docteurs sortis victorieux des