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sont sur le point d’atteindre et de dévorer leurs propres demeures ; si l’on intervient en une telle extrémité, ce n’est aucunement pour préjudicier à autrui, mais pour se défendre soi-même contre un préjudice certain. La faculté éventuelle d’intervention n’est donc pas contestable en fait, lorsqu’il y a péril imminent pour l’état qui intervient ; mais elle demeure subordonnée à la double condition qu’elle ne deviendra pas pour un tiers une cause de préjudice semblable à celui qu’on veut éviter pour soi-même, et qu’elle ne se prolongera jamais au-delà du terme strictement nécessaire. Ces principes furent appliqués par M. Laffitte, lorsque, modifiant avec sagacité ce que la doctrine de non-intervention offrait de trop absolu, il divisa l’Italie par zones politiques, en déclarant nettement que la guerre deviendrait ou possible, ou probable, ou certaine, selon que l’action armée de l’Autriche s’exercerait ou dans les duchés, ou dans les légations, ou dans les états sardes. Il répugne en effet au bon sens de mettre sur la même ligne l’occupation momentanée de quelques points du territoire romain et l’établissement d’une armée autrichienne à Turin, poussant des avant-postes jusqu’à Chambéry. La France pouvait, sous des garanties formelles, tolérer pour quelques mois en Romagne ce qu’elle n’eût pu admettre un seul jour pour le Piémont sans un danger véritable et sans une profonde atteinte à son honneur. L’indépendance absolue de l’état piémontais est en effet la base de toute politique française en Italie, et nous sommes en mesure de constater que la dernière monarchie, au moment même où elle s’engageait le plus étroitement avec les cours continentales, ne laissa fléchir ce principe dans aucune circonstance, ni devant aucune insinuation[1].

L’insurrection de 1831 amena l’occupation successive de Modène, de Parme, de Bologne et d’Ancône. Au mois de mars, les Autrichiens passèrent le Pô pour arrêter un mouvement qui, laissé à lui-même, aurait en quelques semaines enlevé à la cour de Vienne son dernier coin de terre en Italie ; mais à cette occupation que justifiait l’imminence du péril correspondirent des assurances simultanées d’une prompte évacuation. Le 17 juillet de la même année, les troupes autrichiennes quittaient en effet les états du pape, conformément aux engagemens pris avec la France. Si une seconde insurrection les ramena quelques mois plus tard à Bologne, aux instantes prières du gouvernement pontifical, personne ne peut avoir oublié que cette intervention

  1. Voyez spécialement, dans les remarquables études de M. le comte d’Haussonville, publiées ici même, sur la Politique extérieure de la monarchie de 1830, les dépêches de M. le duc de Broglie, ministre des affaires étrangères, du 6 novembre et 7 décembre 1833, et celle de M. le comte de Saint-Aulaire, ambassadeur à Vienne, en date du 20 novembre. (Livraisons du 1er mai 1849 et du 15 février 1850.)