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doit être ni au dedans ni au dehors le caractère de ce gouvernement, Au dedans tout appel à la force, au dehors toute provocation à l’insurrection populaire est une violation de son principe. Voilà la règle de notre politique intérieure et de notre politique étrangère. À l’intérieur, notre devoir est simple : nous n’avons point de grande expérience constitutionnelle à tenter ; nos institutions ont été réglées par la charte de 1830. Nous imposerons aux autorités qui nous secondent l’unité que nous avons voulue pour nous-mêmes. L’accord doit régner dans toutes les parties de l’administration ; le gouvernement doit être obéi et servi dans le sens de ses desseins. »

Ce programme donnait enfin au gouvernement de 1830 ce qui lui avait manqué jusqu’alors, un sens précis et nettement déterminé. Au dedans, il arrêtait la longue anarchie des prétentions administratives et circonscrivait l’action du pouvoir dans la lettre de la constitution ; au dehors, il proclamait sans arrière-pensée l’acceptation de tous les traités qui régissaient, depuis 1815, l’état territorial de l’Europe. Cette politique avait, sans nul doute, des côtés très faibles et des lacunes considérables. Elle restait trop systématiquement en dehors de toutes les idées morales par lesquelles vivent les nations et de toutes les aspirations généreuses par lesquelles elles grandissent, pour être en mesure de compter sur un long et brillant avenir. Cependant, au lendemain du sac du 13 février, entre l’insurrection de Varsovie et celle de la Romagne, une revendication aussi nette du principe d’autorité devenait pour la France et pour le monde un gage précieux et presque inespéré de sécurité. En prononçant ces paroles, le premier ministre de la monarchie nouvelle la remettait en communion avec tous les gouvernemens européens ; elle passait officiellement de l’état révolutionnaire à l’état régulier, et le fait enfantait le droit.

La pensée politique du 13 mars, continuée par le ministère du 11 octobre, fut appliquée dans sa modération intelligente avec une vigueur qui permit à la France de se montrer aussi résolue dans la paix qu’elle aurait pu l’être dans la guerre. Un rapide aperçu suffira pour le constater aux yeux de tous les hommes sincères, aujourd’hui que les passions ameutées font silence.


IV

Des trois questions qui ébranlaient si profondément l’Europe lorsque Casimir Périer prit les affaires, celle de Pologne, encore que la plus douloureuse, était au fond celle qui pouvait provoquer le moins d’hésitation. Par la violence imprimée à sa révolution, la Pologne semblait avoir elle-même renoncé à provoquer le concours