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leur suffit d’avoir un ou deux correspondans en Irlande, et d’entretenir un agent dans chacun des ports qui sont le point d’arrivée des malles, et spécialement à Liverpool et à Southampton. Cet agent n’attend pas qu’une malle entre dans le port; dès qu’elle est signalée à l’aide de puissans télescopes, il va au-devant d’elle en rade, se fait remettre les lettres et journaux à son adresse, les parcourt chemin faisant, et, en abordant au port, il expédie à Londres par le télégraphe électrique un sommaire des nouvelles apportées de la Péninsule, des États-Unis, du Brésil ou des colonies. Souvent, avant que les passagers aient pu débarquer, les nouvelles venues avec eux sont imprimées et criées dans les rues de Londres, et commentées à la Bourse, Quand le général Parédès, chassé du Mexique, se rendit en Angleterre, il prit passage incognito sur la malle des Antilles qui aborde à Southampton. L’état de la marée n’étant pas favorable, la malle dut attendre quelques heures avant d’entrer dans les docks et de débarquer ses passagers. Parédès croyait que son incognito n’avait pas été pénétré; quel ne fut pas son étonnement en mettant pied à terre d’entendre les vendeurs de journaux crier à l’envi : « Les nouvelles importantes du Mexique! L’arrivée de Parédès à Southampton ! » Pendant que la malle remontait la Solent, les nouvelles qu’elle apportait avaient eu le temps d’aller à Londres, d’y être imprimées et de revenir à Southampton. Ce sommaire des nouvelles, dont le détail sera dans les journaux du lendemain, et les dépêches électriques expédiées le matin de Paris après l’apparition du Moniteur, de Bruxelles après l’arrivée de la poste de Berlin, constituent aux yeux des hommes d’affaires et des spéculateurs l’intérêt des journaux du soir. Pendant la durée des sessions, on cherche en outre dans, ces journaux la première partie des séances de la chambre des communes qui commencent à midi; et le Sun, grâce à l’habileté de ses sténographes et à la célérité de ses compositeurs, s’est acquis une incontestable supériorité sur ses rivaux : il parvient à donner les débats parlementaires presque jusqu’à l’heure de la poste; il ne s’écoule pas vingt minutes entre le moment où le dernier sténographe quitte la plume et celui où le journal tout imprimé part pour la province. Dans sa troisième édition qui paraît à dix heures du soir, il donne les débats jusqu’à neuf heures et demie. Mais l’apogée des journaux du soir, ce sont les temps de crise ministérielle où ils font des éditions d’heure en heure pour enregistrer les allées et venues des hommes politiques.

Les emprunts perpétuels que les journaux du soir sont dans la nécessité de faire à leurs confrères du matin devaient naturellement suggérer l’idée d’une combinaison qui rattacherait l’une à l’autre une feuille du matin et une feuille du soir. Nous avons dit que le Standard appartient au même propriétaire que le Herald, et cette union, qui d’un concurrent fait un auxiliaire, n’est peut-être pas étrangère à la supériorité du Standard. La réunion de deux états-majors en un doit entraîner une économie considérable dans les frais généraux, et les propriétaires peuvent utiliser pour le journal du soir les nouvelles dont ils n’ont pu faire usage le matin, et qui risquent d’être défraîchies. Ces avantages sont si bien appréciés, que le Globe et le Sun sont les seuls journaux du soir qui soient complètement indépendans. L’Express, fondé en 1846, est vis-à-vis du Daily News dans la même situation que le Standard vis-à-vis du Herald. Le Times est propriétaire de l’Evening Mail, qui se publie de deux