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dépassent le produit des annonces, qui demeure invariable, et les supplémens cessent de donner des bénéfices et donnent même de la perte. Le Times en est là depuis qu’il a plus de 35,000 abonnés. Pour ne pas décourager sa clientèle d’annonces et ne pas la faire refluer vers les autres journaux, il n’a pas voulu renoncer à ses supplémens ; mais il s’est astreint à n’en publier que trois fois par semaine. Ces supplémens qui, tirés à 10,000 exemplaires, représenteraient un revenu énorme, coûtent au journal plus qu’ils ne lui rapportent.

Les journaux du soir sont dans des conditions toutes différentes de celles des journaux du matin. Les plus importans sont le Globe, le Sun et le Standard. Le Globe date de 1811; il fut fondé en même temps qu’un journal du matin intitulé the British Press, et par les mêmes personnes, qui voulaient faire à la fois concurrence au Morning Post et au Courrier. Le journal du matin ne tarda pas à périr ; le Globe fut sauvé par l’habileté et l’activité de son rédacteur en chef, George Lane, et la persévérance de son principal propriétaire, M. Thomas Chapman. En 1824, le Globe s’unit à un autre journal du soir, le Traveller, dont le nom est encore joint au sien comme sous-titre, et dans les quatre années qui suivirent, il absorba successivement cinq autres journaux du soir, le Statesman, le True Briton, l’Evening Chronicle, la Nation et l’Argus, dont quelques-uns n’ont eu que quelques mois d’existence. Depuis que le Chronicle a changé de mains, le Globe est le seul représentant du parti whig dans la presse ; il est l’organe reconnu de lord John Russell et de lord Grey. Le Sun, qui date de 1792, a langui longtemps ; de 1828 à 1830, il dépensa 400,000 francs en améliorations et s’acquit bientôt une grande réputation pour l’abondance, la variété et la promptitude de ses nouvelles. Aujourd’hui encore, c’est le journal le mieux renseigné pour les courses : il donne chaque jour avec une merveilleuse exactitude la liste des chevaux engagés, les prévisions des connaisseurs et l’état des paris, ce qu’on pourrait appeler la cote de la bourse hippique. En politique, le Sun soutient les opinions radicales extrêmes ; il touche même par certains côtés aux écoles socialistes. En religion, il est partisan du système volontaire ; il est par conséquent l’adversaire de toute subvention au clergé, de tout lien matériel entre l’église et l’état. En économie politique, il est l’organe de l’école qui s’intitule anti-bullioniste, qui poursuit l’abolition de la monnaie métallique et l’emploi exclusif du papier-monnaie. Le mieux fait et le plus intéressant des journaux du soir, celui dont la rédaction est la plus littéraire, est le Standard, fondé en 1827 pour combattre l’émancipation des catholiques et la réforme électorale. Il est encore dirigé, comme au premier jour, par un écrivain à idées très-arrêtées, mais d’un remarquable talent, le docteur Gifford. Les journaux du soir ont à supporter beaucoup moins de frais que les journaux du matin, parce qu’ils sont nécessairement primés par ceux-ci pour une grande partie des nouvelles. Les réunions électorales, les banquets politiques, ayant lieu dans la seconde partie de la journée, les feuilles du soir se bornent à résumer le lendemain les comptes-rendus que les journaux du matin se sont procurés dans la nuit par l’emploi de rédacteurs et de courriers spéciaux. Il en est de même pour les séances de nuit, pour les nouvelles de l’Inde et du continent. Les journaux du soir n’ont donc besoin que d’un petit nombre de sténographes, et ils n’ont point cette armée de correspondans qui surcharge le budget des journaux du matin. Il