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au trône ; mais le point principal est gagné : le nouveau roi appartiendra à la religion du pays, à cette communion orientale qui est regardée par les populations comme un des élémens essentiels de leur nationalité.

Aux États-Unis, les élections présidentielles sont terminées ; le général Franklin Pierce l’emporte à une majorité considérable sur le général Scott. Il fallait s’attendre à ce résultat ; pourtant on aurait pu croire à plus de résistance de la part des whigs. Les chiffres de l’élection présidentielle démontrent éloquemment la faiblesse actuelle de ce parti, autrefois si puissant ; les états de la Nouvelle-Angleterre, qui lui étaient naguère tout dévoués, l’ont abandonné à leur tour ; le Vermont et le Massachusetts ont persisté seuls à égarer leurs voix sur le candidat de ce parti, délaissé de tous. Les whigs vont perdre le pouvoir ; mais avant d’en descendre ils peuvent encore, en restant fidèles à leur politique traditionnelle, rendre des services à leur pays. Le nouveau président n’entrera en fonctions qu’au mois de mars prochain ; en sachant mettre le temps à profit, l’administration actuelle peut terminer bien des différends et dissiper bien des nuages. Le choix de M. Everett comme successeur de Daniel Webster au département des affaires étrangères est un choix excellent. M. Ed. Everett est un des hommes les plus remarquables de l’Union et un de ceux qui honorent le plus ce petit état du Massachusetts, qui a déjà produit tant d’hommes de talent. Ancien membre du congrès fédéral et des assemblées de l’état du Massachusetts, orateur éminent, écrivain exercé, rédacteur depuis longues années du North American Review, M. Everett continuera dignement la politique whig, sans avoir ces préoccupations malheureuses qui, durant la dernière année de sa carrière, ont fait commettre tant de fautes à M. Webster. Il peut mettre un terme, par exemple, à ces déplorables collisions dont le port de la Havane est le théâtre et à tous ces démêlés qui peuvent avoir une issue sanglante.

Quoi qu’il en soit, par l’élection qui vient d’avoir lieu, voilà l’Amérique du Nord marquant son dessein d’aller toujours en avant, selon sa devise, dans cette voie d’envahissement et de conquête où les passions populaires la poussent, et où elle ne peut être retenue que par la sagesse intelligente des chefs qu’elle se donne. Tandis que ces grands et prodigieux destins s’accomplissent au nord du Nouveau-Monde avec une sorte d’entraînement méthodique, l’Amérique du Sud échappe-t-elle enfin au chaos d’agitations stériles où elle se débat ? Elle n’est point encore, à ce qu’il semble, au bout de ses brusques reviremens. En fait de conquêtes et de civilisation, voici une révolution nouvelle qui vient d’éclater à Buenos-Ayres, et, comme toujours, comme ne cessent de dire tous ceux qui font des révolutions, c’est celle-ci qui est la bonne, qui va réaliser les bienfaits et les promesses de toutes les autres. Il plane encore un certain mystère sur les récens événemens de la Plata, sur leur portée et leur issue définitive. Il y a un fait avéré néanmoins, et ce fait, c’est une révolution qui a renversé l’autorité dictatoriale du général Urquiza à Buenos-Ayres même et dans toute la province argentine de ce nom. C’est dans la nuit du 10 au 11 septembre que ce mouvement a eu lieu. Urquiza venait de quitter Buenos-Ayres et de s’embarquer pour Santa-Fé, où se réunissait le congrès général pour statuer sur l’organisation définitive de la république. Les envoyés de France et d’Angleterre, M. de Saint-Georges et sir Charles Hotham, étaient