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le chef du parti whig renonçant à l’initiative prise par son parti, et toutes ces intrigues ourdies sans que les libres échangistes purs, les inventeurs du système, eussent été seulement consultés ! — le parti radical s’est mis en colère, a violemment attaqué lord Palmerston, et traité le parti whig de coterie. Dans toute cette affaire en effet, les libres échangistes purs et simples ont été complètement sacrifiés et joués par les chefs des partis politiques.

Le ministère Derby n’est pas encore sauvé cependant. Dans quelques jours, M. Disraéli lira l’exposé de ses plans financiers, et là nous retrouverons sans doute son idée favorite d’une compensation à donner aux classes agricoles. Le combat recommencera sur ce terrain, les radicaux l’ont déclaré déjà, et c’était en haine de cette compensation précisément qu’ils tenaient tant à la proposition de M. Villiers, dont les termes renfermaient une adhésion complète et sans réserve aucune au free trade. La lutte, transportée sur ce terrain nouveau, deviendra plus acharnée ; les tories, qui ont fait le sacrifice de leur système, ne feront pas aussi facilement le sacrifice de leur politique traditionnelle et des intérêts des populations qui leur sont les plus dévouées. Deux aristocraties, — celle de la terre, celle de l’industrie manufacturière, — se trouveront en présence, et, pour le salut de l’Angleterre, il est à désirer qu’aucune des deux ne domine jamais exclusivement. Voilà quelle est la situation des partis aujourd’hui en Angleterre : des nuances, des coteries, des menées, des rivalités et des haines sourdes. C’est là une situation triste et affligeante pour le pays qui a produit Chatham et Burke, Pitt et Fox, Canning et Peel, — une situation qui deviendrait désastreuse, si elle se prolongeait.

Tandis que les discussions parlementaires suivent leur cours en Angleterre, l’ouverture des cortès se prépare avec une certaine animation en Espagne. Chacun pressent une lutte décisive et se dispose pour la soutenir. D’un côté, les oppositions diverses, progressiste et modérée, tiennent des réunions, se concertent et finiront probablement par réunir leurs efforts pour livrer un même combat. Pour sa part, le cabinet de Madrid vient de se modifier en partie. Le ministre de l’intérieur, M. Ordonez, cède son portefeuille à M. Cristobal Bordiu, et M. Miguel Reinoso, ministre de fomento, est remplacé intérimairement par le ministre des affaires étrangères, M. Bertran de Lis, en attendant qu’il lui soit donné un successeur définitif. M. Ordonez inclinait en secret, assure-t-on, vers une fraction du parti modéré aujourd’hui en dissidence avec le ministère, et cela suffit pour expliquer sa retraite. Quant à M. Reinoso, comme il arrive souvent, il porte la peine d’avoir trop fait ou d’avoir trop voulu faire dans son département, spécialement consacré aux travaux publics. Depuis quelque temps, on se préoccupait en Espagne de la multiplicité des concessions de chemins de fer et des dangers financiers qui pouvaient en résulter. Le moment est venu où l'on a senti le besoin de s’arrêter et de coordonner toutes ces œuvres entreprises ; c’est le ministre spécial qui a été sacrifié. Au reste, cette modification ne touche en rien à la politique du cabinet espagnol ; cette politique subsiste tant que M. Bravo Murillo est à la tête du pouvoir ; c’est elle qui va avoir encore à soutenir la lutte. Nous avons dit quelquefois que le gouvernement espagnol était entré depuis un certain temps dans une voie très utile de publicité en tout ce qui touche les finances, l’industrie et le commerce. Nous en avons encore un récent