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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 novembre 1852.

Vivre loin de son pays est certainement l’un des plus grands malheurs et l’une des plus difficiles épreuves que les hommes puissent supporter. Ce n’est pas seulement parce qu’on est loin, parce qu’on est privé des charmes de la patrie. Cette séparation, quand elle naît des déchiremens publics, a de plus graves conséquences : on s’accoutume à ne plus voir les choses sous leur jour réel ; on s’enfonce dans son délire ou dans son illusion ; on poursuit « on orgueilleuse chimère tandis que tout se modifie et se renouvelle, et que la pensée du lendemain n’est déjà plus celle de la veille au sein du pays même. Cela est vrai surtout dans les révolutions, parce que ce sont les temps où les courans changent le plus vite, et où l’on passe le plus rapidement d’un extrême à l’autre. S’il n’en était point ainsi, comment expliqueriez-vous ces manifestes étranges que le gouvernement a eu l’habileté de publier à la veille du dernier vote, en leur ôtant ce privilège, cette saveur particulière, si l’on nous passe ce terme, que donne une circulation clandestine ? Manifeste de la société la révolution, du comité révolutionnaire, de la commune révolutionnaire, manifeste du comité des invisibles, manifeste des démocrates-socialistes de Jersey, chacun a voulu dire son mot à la France, qui semble heureusement ne plus entendre cette langue sinistre. Il y a donc quelque part des têtes où fermentent encore de telles fureurs que le malheur ne saurait absoudre ; il y a des hommes qui pensent que la meilleure manière de parler au peuple, c’est de lui dire : Prends ta fourche et dresse le poteau pour assouvir nos vengeances ! Les habiles politiques qui ont rédigé ces pièces ont cru sans doute qu’on n’irait point assez vite au scrutin, et ils sont venus interposer leur figure, leur geste, leur attitude, leurs menaces, leurs colères ; ils ont réussi à se remettre un moment dans la mémoire des populations et à prouver qu’il y avait bien d’autres gens que les gens d’autrefois qui n’apprenaient rien et n’oubliaient rien. Irons —nous mettre à côté la protestation par laquelle, au moment de la résurrection de l’empire, M. le comte de Chambord a cru de-