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« Peut-être on a vu l’étranger accomplir, à son honneur et à son profit, de bien plus grands exploits. Ce n’est pas pour rien cependant que le bouclier danois figure des lions et des cœurs; les aigles peuvent se disputer le monde, nous ne voulons changer ni de bouclier ni de bannière.

« Il y a, dit-on, des nations bien plus sages que celle qui habite entre le Sund et les Belts; mais nous avons ce qu’il nous faut d, esprit et de sens, et nul de nous n’aspire à devenir par la pensée égal à Dieu. Que notre cœur brûle pour la vérité, pour le droit, — et l’avenir montrera que nous aurons été sages.

« Les autres langages des hommes peuvent offrir des sons bien plus majestueux, plus nobles et plus beaux; mais la langue danoise peut aussi rendre avec vérité des accens qui charment ou qu’on admire; elle atteint juste où elle veut aller, et, si les autres frappent, elle coule avec douceur.

« Du sein de leurs montagnes ou des dépouilles ennemies, d’autres ont su tirer bien plus d’argent et d’or; chez le Danois se trouve le pain de chaque jour, dans la cabane du pauvre comme sur la table du riche, et ne sommes-nous pas assez riches, si peu de nous ont le superflu et que bien peu manquent du nécessaire ?

« Il y a eu sans doute des rois plus glorieux et que leurs sujets ont nommés leurs pères; mais nulle race royale n’a encore fait pâlir celle de nos rois. Puisse la race de Dan et de Skiold fleurir toujours sur le trône de ses pères! »


IV.

L’activité intellectuelle d’un peuple, pour être saisie dans toute son originalité, doit être suivie non-seulement dans le domaine du drame ou de l’ode, mais encore dans celui des sciences et de la philosophie. Or le spiritualisme et l’esprit de nationalité qui ont donné au Danemark toute une littérature ont suscité dans ce même pays une nouvelle époque scientifique dont il faut tenir compte, si l’on veut connaître le Danemark du XIXe siècle.

Œrsted est le plus grand nom de cette période. La pile de Volta, découverte en 1800, ayant fixé toute son attention, il en trouva une des applications les plus fécondes, lorsqu’il eut remarqué, en 1820, l’influence de l’électricité sur l’aiguille aimantée : il avait découvert l’électro-magnétisme. Maître ainsi de l’un des secrets les plus mystérieux de la nature, Œrsted fut saisi d’admiration à la pensée des conséquences et des applications qu’il prévoyait, et, fortifiant par chaque observation de détail sa possession de la loi générale, il s’éleva vers une synthèse magnifique, qu’il a exposée dans un livre publié récemment, peu de temps avant sa mort, sous le titre de l’Esprit dans la nature.

Selon Œrsted, une ame universelle dirige et anime toutes les manifestations de la nature, les corps et les phénomènes; cette ame universelle est l’expression sagement réglée d’une raison dont Dieu lui-même a fixé les lois excellentes, partout les mêmes, et cette raison, source de