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LE PROBLÈME DE 89.

à la famille du condamné, l’incapacité qui interdisait aux parens l’entrée de certaines professions, furent effacées ; elles étaient dans la loi pénale une tradition de la solidarité barbare. La confiscation des biens, qui était aussi une peine contre la famille, fut abolie. »

Sous l’inspiration de la même pensée, le droit d’aubaine et de détraction disparut ; mais l’assemblée contraignit l’étranger à se conformer pour la disposition de ses biens aux lois territoriales, et elle régla avec une sagesse qui n’a pas été dépassée les conditions auxquelles l’étranger serait assimilé au Français et jouirait de la plénitude des droits civils. Elle n’aborda pas, du moins par ses décrets, la brûlante question relative aux esclaves coloniaux, et, les maintenant par son silence même dans leur situation antérieure, elle se borna à donner une nouvelle sanction à la vieille maxime déjà consacrée : Tout individu est libre aussitôt qu’il est entré en France. Enfin, dans la partie de la législation relative à l’état des personnes, la constituante sut allier toute l’énergie de ses croyances avec un remarquable discernement. Le même esprit présida aux lois destinées à régir la propriété. Conséquente avec les principes généraux posés par elle, l’assemblée constituante abolit immédiatement tous les droits issus de la féodalité dominante envisagée en dehors des contrats : tels étaient les droits de chasse et de garenne ouverte, de fuie et colombier, de préage et ravage sur les prés, de parcours et pâturage avant la première coupe ; mais on respecta tous les droits qui n’avaient rien de servile en eux-mêmes, quelle qu’en fût d’ailleurs l’origine. On maintint, en les considérant comme expression d’une convention libre, les droits de cens et de lods et ventes qui pouvaient grever l’héritage en main-morte, et le respect de l’assemblée pour les droits utiles créés par la féodalité contractante alla même si loin, que, si une conversion primitive en main-morte avait été convertie en censive, le vice originaire n’était pas imputé au second titre. Par une fiction bienveillante de la loi, la prestation ou redevance stipulée dans celui-ci ne fut pas considérée comme représentative de l’ancienne convention fondée sur un servage personnel. Les fiefs et censives ne furent plus que des biens allodiaux soumis aux lois communes de la propriété foncière ; celle-ci reprit l’indépendance antérieure à l’époque féodale, et le libre principe des lois romaines devint le droit commun de la France. L’assemblée n’en maintint pas moins aux contrats seigneuriaux tous les profits pécuniaires et les prestations en fruits qui s’y trouvaient stipulées, et le changement s’opéra dans la nature des biens et des droits sans affecter les intérêts pécuniaires existant entre l’ancien seigneur et l’ancien vassal, intérêts créer, sous la sanction de la législation antérieure. « L’objet des décrets du 4 août, dit le rapport de Merlin, a été d’adoucir le sort des censitaires ; mais on ne doit pas à l’amélioration de leur sort le sacrifice des prin-