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est de courte durée entre Attila et Gunther, et Walter vient au secours des Franks avec les guerriers d’Espagne et de France. Hildebrand, plein des colères d’Attila, s’emporte contre Walter, le ravisseur et le félon, et charge Rudiger de le provoquer au combat; Rudiger, qui estime le courage de Walter, n’obéit qu’à regret. Partout où il faut tenir tête aux Huns et à leurs alliés, Walter d’Espagne paraît au premier rang : c’est lui qui porte la bannière d’Hermanaric dans les guerres d’Italie; il s’y mesure avec Dietlieb, le compagnon chéri de Théodoric, et, dans la rage qui les anime, les deux champions, transpercés mutuellement de leurs lances, restent pour morts sur le champ de bataille. Hildegonde sans doute, à l’exemple de beaucoup d’autres héroïnes, avait suivi à la guerre Walter, dont elle semble avoir été inséparable. Faite prisonnière, fut-elle ramenée au roi des Huns comme un otage en rupture de ban? Attila retrouva-t-il, à la vue de la jeune femme, la passion qu’il avait eue pour la jeune fille? La força-t-il à entrer dans son lit, et celle-ci vengea-t-elle, en le tuant, sa pudeur outragée et la mort de son mari? voilà ce que nous dirait peut-être la tradition, si nous la possédions complète, mais ce qu’à son défaut il est permis de supposer : Hildegonde de Burgondie serait dans ce cas une Ildico un peu plus complète qu’Hilldr la Danoise.

Je ne saurais quitter Walter d’Aquitaine sans rapporter une anecdote passablement étrange, que nous lisons dans la chronique du monastère de la Novalèse, rédigée vers le Xe siècle partie d’après des documens écrits, partie d’après la tradition du couvent. Le monastère de la Novalèse, situé au pied-du Mont Cenis, avait été une des premières fondations de l’ordre de Saint-Benoît, et, dans le cours des Vie et VIIe siècles, il avait donné asile à beaucoup de personnages importans qui venaient y chercher un port contre les agitations du monde : ruiné au VIIIe siècle pendant les guerres de Pépin, il se releva au Xe siècle, et c’est alors que, pour renouer la chaîne des souvenirs, quelques religieux zélés compilèrent la chronique de leur abbaye. Or voici un passage qu’on y rencontre.


« Autrefois vécut dans ce couvent un religieux d’une haute taille, d’une grande force et d’une figure martiale, malgré ses cheveux blancs. Il avait parcouru le monde entier, un bâton de pèlerin à la main, cherchant un monastère d’une discipline rude, où l’on pût se préparer convenablement au voyage qui suit cette vie mortelle. Après avoir couru et cherché vainement bien des années, il lui arriva de visiter ce lieu, et il résolut de s’y fixer; mais, dans son humilité extrême, il ne voulut que l’emploi de frère jardinier, qu’il sollicita et qu’il obtint. Ce moine était sombre et bizarre; il ne se séparait jamais de son bâton, qui pendait comme une arme au mur de sa cellule. Des bandes ennemies ravageaient-elles la campagne, des brigands menaçaient-ils l’abbaye, il le détachait de son clou, s’absentait avec la permission