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Ce morceau, qui forme l’introduction des aventures de Walter, et qui met en scène les quatre personnages principaux du poème, est peu historique assurément, en ce sens que les actes qu’il prête au roi des Huns ne peuvent point avoir été accomplis comme il les raconte; toutefois il est historique en tant que reflet des. impressions contemporaines. Rien n’empêche même que les relations qu’il suppose entre les Huns d’un côté, les Franks et les Burgondes, de l’autre, ces soumissions volontaires, ces offres empressées d’otages, n’aient eu lieu au-delà du Rhin de la part des Franks et des Burgondes de la Germanie; l’invraisemblance est de les attribuer aux Germains établis en Gaule. Il faut faire aussi la part de la donnée poétique et des nécessités qu’elle entraînait à sa suite. Sans une expédition des Huns en Aquitaine, on ne comprenait plus ni la captivité de Walter près d’Attila, ni l’enlèvement d’Hildegonde : la fiction était imposée au poète par le sujet même.

Je ne suivrai pas le roi des Huns dans toutes les guerres fabuleuses que lui prête la tradition, ses expéditions en Russie, où il enlève sa favorite Herkhé, sa marche en Italie pour rétablir Théodoric sur le trône de Vérone, enfin la bataille de Ravenne, dans laquelle Hermanaric et Odoacre sont vaincus par son concours : ces inventions romanesques ne nous apprendraient rien, car elles sont trop loin de l’histoire. Mon but principal est de chercher dans la tradition quelque application aux faits historiques. Or il n’en est pas de plus obscur que la mort d’Attila et le rôle que put jouer dans cette catastrophe la jeune fille qu’il venait d’épouser, et que son nom d’Ildico nous fait reconnaître pour une Germaine. La tradition des peuples germains fournirait-elle quelque éclaircissement sur ce point spécial? Voilà ce que je me suis demandé. J’ai vu plus qu’un intérêt de curiosité à une recherche pareille, et c’est ce qui me l’a fait entreprendre.

Résumons d’abord ce que l’histoire nous apprend sur les causes de cette mort fameuse. Pendant l’hiver de 453, à son retour de l’expédition d’Italie, et au moment où il se préparait à envahir l’empire d’Orient, le conquérant eut la fantaisie de se marier, d’ajouter une nouvelle femme à cette légion d’épouses et de concubines dont nous parlent les historiens. Séduit par la beauté d’Ildico, il la mit dans son lit; mais le lendemain, comme il tardait à paraître, et qu’un morne silence régnait dans la chambre nuptiale, les gardes enfoncèrent la porte et ne trouvèrent à la place de leur maître qu’un cadavre étendu dans une mare de sang : auprès du lit se tenait assise la nouvelle épouse, enveloppée dans son voile. Cette mort était-elle naturelle? La rupture d’un vaisseau avait-elle étouffé le roi hun pendant son sommeil? Avait-il été assassiné, et sa jeune femme se trouvait-elle l’unique auteur du meurtre ou la complice d’une conspiration? Ces versions diverses coururent en même temps le monde barbare et le monde