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particulier, intitulé la Cour d’Etzel, est consacré à chanter ces magnificences et ces plaisirs.


« Il y avait en Hongrie, dit le poème, un roi bien connu qui se nommait Attila: on ne trouvera jamais son pareil! En richesse et en libéralité, nul ne régala jamais. Douze rois le servaient couronne en tête; douze royaumes lui obéissaient, douze ducs, trente comtes, des chevaliers, des écuyers, des hommes d’armes sans nombre. Ce roi était humain et juste : on ne trouvera jamais son pareil !

« Le roi Artus aussi fut puissant, mais non pas comme Attila… Arrivait qui voulait chez lui, car aucune porte n’était fermée. « Qu’on laisse mon palais ouvert, disait le roi plein de bonté; aussi loin que s’étend le monde, je ne me connais aucun ennemi. A quoi me servent des portes où aucun soldat ne fait le guet? »


Le poème de la Cour d’Etzel compare Attila au roi Artus; le poème de Bitérolf d’Espagne le compare au roi Salomon, qui sut si bien, dit-il, accommoder sa vie et ses désirs; « mais Salomon, dans tout son éclat, n’eut jamais autant de chevaliers, ajoute Bitérolf, que j’en ai vu une fois chez Attila le riche. » Quand le roi des Huns avait fait annoncer une fête, les chemins se couvraient de gens de toute sorte qui accouraient à Etzelburg. Les guerriers chevauchaient avec leurs dames. On voyait arriver pêle-mêle des chrétiens et des païens, des Russes et des Grecs, des polonais et des Valaques, des Thuringiens et des Danois; on s’y rendait à travers les montagnes et les fleuves, des contrées de l’Italie, de la France et de l’Espagne. Le tableau de ces fêtes est commun aux traditions du cycle de Théodoric et à celles du cycle des Niebelungs.

Le poème de Walter d’Aquitaine, plus sobre de détails, nous donne, en quelques traits simples et énergiques, une idée de la force irrésistible dont le souvenir traditionnel entourait le roi des Huns.

Un jour qu’il se sentait en humeur de guerroyer, Attila, dit le poème, fait plier ses tentes et marche du côté du Rhin. Ghibic, roi des Franks, célébrait alors dans Worms, sa capitale, la naissance de son fils aîné Gunther; tout le pays était en liesse, quand le bruit se répand subitement qu’une armée « nombreuse comme les étoiles du ciel, serrée comme les grains de sable du Rhin, » approche en remontant le Danube. Les chefs des Franks courent au conseil. « Que faut-il faire? demande le roi. — Proposer la paix, répondent ceux-ci d’une commune voix. Si l’ennemi nous tend la main, nous la lui tendrons aussi; nous lui donnerons des otages et nous lui paierons tribut. Mieux vaut céder au roi des Huns que de risquer d’un seul coup nos vies, notre patrie, nos enfans et nos femmes. » Ghibic va donc au-devant d’Attila avec de riches cadeaux et un otage de noble sang; comme il ne peut offrir son propre fils Gunther, « qui a besoin de sa mère. » dit le poète, son choix