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nom dans leurs histoires en souvenir des mauvais traitemens et des persécutions qu’il leur fit subir. Son fils, héritier de ses vertus et de ses intolérances, se distingua par son zèle à faire brûler des sorcières dans cette petite ville de Salem qui a vu tant de procès de sorcellerie. Voilà de quelle race descend M. Nathaniel Hawthorne. Perpétuée humblement, obscurément jusqu’à nos jours par des marchands et des marins, cette race s’est incarnée enfin dans la personne d’un artiste et d’un romancier. M. Hawthorne, chaque fois qu’il parle de ses terribles ancêtres, en parle avec respect, presque en frémissant; il demande pardon au siècle présent pour leur intolérance et leur trop grande énergie, car il est libéral, démocrate; il a jadis été socialiste, et il est toujours un peu humanitaire. Il a réellement bien tort; ses ancêtres étaient capables de faire brûler des sorcières, mais ils ne seraient jamais allés à la communauté de Roxbury.

Dans la très remarquable préface de son roman intitulé the Scarlet Letter, M. Hawthorne suppose quelques-uns de ses aïeux causant entre eux et jugeant les actes du dernier descendant de leur race. Que diraient-ils de lui? Ils n’approuveraient certainement aucun de ses désirs, ils n’applaudiraient à aucun de ses succès. « Qu’est-ce que celui-là? murmure l’ombre d’un de mes ancêtres à une autre ombre de la famille. Un écrivain, un conteur d’histoires? De quelle utilité cela peut-il être dans la vie? Quelle est cette manière d’adorer Dieu et de servir l’humanité pendant sa vie et celle de la génération à laquelle on appartient? Voilà un camarade bien dégénéré, et qui aurait aussi bien agi s’il se fût fait ménétrier! Tels sont les complimens échangés entre mes ancêtres et ma personne à travers le gouffre du temps. Et cependant, qu’ils me méprisent tant qu’ils voudront! beaucoup des caractères les plus saillans et les plus solides de leur nature se sont entremêlés dans la mienne et vivent en moi. »

Ici M. Hawthorne a raison; en dépit de toutes ses idées de tolérance, de progrès et de démocratie, la vieille nature puritaine existe en lui. Le talent de M. Hawthorne explique merveilleusement cette persistance de la race, cette force de l’éducation première qui se perpétue à travers les temps, cette musique du sang, comme dit Calderon, qui chante les mêmes airs sur toutes sortes de variations dans les générations successives d’une même famille et d’un même pays. M. Hawthorne l’avoue quelque part : il va rarement au temple, et se contente d’écouter de sa maison les cantiques des fidèles et les exhortations du ministre; ses idées eussent été anathématisées par ses ancêtres, et sa profession détestée par eux; il n’a plus ni leurs croyances ni leur manière de vivre, mais il a encore leurs qualités intellectuelles; il n’a plus leur ame, mais il a leur esprit; il a leurs fermes méthodes de stricte investigation et d’impitoyable analyse. Un descendant des puritains seul