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chefs-d’œuvre de la calligraphie du moyen-âge les chefs-d’œuvre de la typographie moderne, et, dans ce panthéon de tous les arts, de placer non loin des statues de Jean Goujon les volumes des Simon de Colines et des Estienne,

On le voit, par la variété même des sujets qu’elle a traités, l’érudition, dans ces derniers temps, a fait preuve d’une intelligente activité. Les sociétés savantes, dont nous avons eu plusieurs fois occasion ici même de signaler les travaux, ont poursuivi avec beaucoup de zèle le cours de leurs publications, et, dans le nombre, il en est une dont les études se sont élevées et étendues d’une manière notable, nous voulons parler de la Société des antiquaires de France. Les deux derniers volumes publiés par cette compagnie savante renferment des mémoires intéressans d’histoire, d’archéologie et de numismatique, de MM. Éd. Biot, Alfred Maury, Jules Quicherat, Auguste Bernard, Marion, Girardot, Duchalais, Bourquelot. Dans un curieux mémoire sur les Anciens monumens de l’Asie analogues aux pierres druidiques, M. Biot établit d’une manière incontestable que les enceintes en pierre brute regardées comme celtiques, les cromlechs, les dolmens, les menhirs, se trouvent sur tous les points du vieux monde, et jusque dans l’Amérique du Nord. Ce fait avait été remarqué déjà ; mais les récentes découvertes des érudits et des voyageurs ont donné à la question une importance nouvelle. M. Biot se demande si, en trouvant aux points les plus opposés du globe des débris parfaitement semblables, on peut encore, comme on l’a fait jusqu’ici, les attribuer uniquement à la race celtique et les considérer comme les derniers vestiges du druidisme. Sont-ce là les essais de l’architecture primitive, ou les monumens d’une idolâtrie dont les dernières traditions ont disparu sans retour ? Les Hébreux, qui dressaient d’énormes pierres aux lieux où s’étaient accomplis des événemens mémorables, ont-ils transmis cet usage au genre humain ? L’auteur du mémoire, qui sait qu’en érudition le doute est souvent le commencement de la sagesse, n’essaie point de répondre à ces questions ; il se contente de les poser, et par cela seul il intéresse encore vivement, en éveillant la curiosité de la science et en la plaçant en face d’un mystère que sans doute elle n’approfondira jamais.

Les études de M. Alfred Maury sur les Grandes forêts de la Gaule et de l’ancienne France embrassent ce sujet intéressant dans son ensemble, topographie, histoire naturelle, climatologie, traditions et législation. La partie du mémoire relative aux cultes celtiques, aux défrichemens par les moines, aux légendes chevaleresques, présente surtout un vif attrait de curiosité. Les forêts gauloises, comme les peuples mêmes de la Gaule, ont leurs grandes époques historiques et religieuses, paganisme, christianisme, chevalerie. Les bois sont les véritables temples du druidisme, et de toutes les croyances de cette religion barbare, c’est le culte des arbres qui persista le plus long-temps. Ce culte était encore, au VIIe siècle, en pleine vigueur dans l’extrême nord de la France. Les missionnaires qui à cette date convertissaient les rudes populations du Belgium suspendaient aux arbres des reliques ou des images saintes pour purifier ces monumens d’un antique fétichisme et rallier les païens autour des symboles du culte nouveau par les habitudes de l’ancienne croyance. Quand les druides eurent disparu, ils furent remplacés par les fées. C’est dans une forêt qu’une fée enlève Graelent pour le transporter dans le fantastique Éden du pays d’Avallon ; c’est dans la forêt de Colombiers, en Poitou,