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Tandis que Frédéric II posait avec ses ministres les bases de cette convention, un événement inattendu vint redoubler leur activité et précipiter le dénoûment. L’électeur de Bavière n’avait pas de postérité. Joseph II lui fit proposer d’échanger ses possessions, la Bavière et le Haut-Palatinat, contre les possessions de l’Autriche en Hollande; le titre de royaume de Bourgogne, attribué à ces nouveaux états, et une somme d’argent considérable dédommageraient le prince électeur et assureraient l’égalité de l’échange. En même temps, le plus proche parent de l’électeur, le prince Charles, duc de Deux-Ponts, était averti de cette négociation par le comte Romanzoff, ministre de Russie, et sommé d’y acquiescer dans le délai de huit jours. Le duc Charles n’oublia pas que Frédéric II lui avait déjà conservé une fois son héritage de Bavière : c’est à Berlin qu’il s’adressa, et quelques jours après M. de Romanzoff, tout étonné d’une telle hardiesse chez un souverain sans pouvoir, recevait du duc de Deux-Ponts une protestation formelle contre les projets de l’Autriche et la complaisance de l’électeur. Les ministres de Frédéric II ne pouvaient plus hésiter davantage. Un traité fut conclu (1785) entre la Prusse et les principaux états du nord et du centre de l’Allemagne. Restaient encore les princes ecclésiastiques qu’il était plus difficile de détacher de l’Autriche et d’allier à une ligue de souverains protestans. L’ambition de Joseph II et les alarmes qu’elle excitait vinrent en aide au plan de Frédéric. Le plus influent des princes ecclésiastiques, un des personnages les plus considérables de l’Allemagne, l’archevêque de Mayence, archichancelier de l’empire, s’adressa lui-même au roi de Prusse, et lui fit demander si, dans le cas d’une guerre avec l’Autriche, il pouvait compter sur son appui. Frédéric résolut aussitôt d’établir à Mayence le siège des négociations qui devaient compléter l’alliance des états menacés, et le jeune baron de Stein, dont la famille avait laissé tant de souvenirs en ce pays, fut choisi pour mener à bien cette importante affaire.

Les conférences furent longues et le succès vivement disputé. Il ne s’agissait pas seulement de régler un cas fortuit; c’était toute une révolution dans la politique intérieure de l’Allemagne, l’adhésion de l’archichancelier devant entraîner celle des autres princes ecclésiastique et faire passer à la Prusse la suprématie que l’Autriche possédait encore. Les efforts de Stein ne furent pas infructueux. Les négociations, qui avaient duré près d’un an, se terminèrent, au mois d’octobre 1785, par l’accession de l’électeur de Mayence à la ligue de Frédéric II. Le glorieux capitaine de la guerre de sept ans terminait ainsi son œuvre, et le dernier acte de sa carrière devait assurer pour long-temps la supériorité de l’Allemagne du nord. Ce n’est pas un médiocre honneur pour le baron de Stein d’avoir été son auxiliaire intelligent et dévoué; cet épisode est le digne commencement d’une telle vie. A