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entrepreneurs qui exploitent Paris avaient été recensés; mais beaucoup de maîtres maçons ayant leurs chantiers dans la banlieue se sont trouvés en dehors du cadre des recherches.

Le foyer le plus actif de l’industrie parisienne est le sixième arrondissement : c’est là que sont agglomérés ces petits ateliers où se fabriquent la bijouterie fine et fausse, l’orfèvrerie, le plaqué, la passementerie, la tabletterie, et ces mille petits objets d’utilité ou d’agrément ayant un cachet particulier d’élégance, et connus dans le monde entier sous le nom d’articles de Paris. On y a compté 10,300 patrons, avec 58,000 ouvriers, et les déclarations relatives à l’importance des affaires y ont dépassé le chiffre de 235 millions. Le deuxième arrondissement ne vient qu’en seconde ligne pour l’industrie, quoique le plus riche de tous. On y fait pour 178 millions d’affaires, particulièrement en vêtemens, modes, carrosserie et joaillerie. Le montant des ventes tombe à 40 millions dans le neuvième arrondissement, qui est, il est vrai, le moins étendu et le moins populeux. Toutes proportions observées, l’activité industrielle de la rive droite dépasse de 50 pour 100 celle de la rive gauche.

Après avoir mesuré les développemens de l’industrie, il eût été curieux d’entrevoir, ne fût-ce qu’approximativement, les avantages que retirent de ce mouvement ceux qui conçoivent et dirigent les affaires. Les rédacteurs de l’enquête se sont abstenus de toute indication, de toute conjecture à ce sujet, empêchés sans doute par ce sentiment de réserve que commande un mandat officiel. Il est bien hardi de suppléer à leur silence. Je vais essayer néanmoins, sous les yeux des lecteurs, un travail d’analyse qui leur montrera par aperçu les bénéfices des entrepreneurs; mes calculs auront pour base les faits exprimés dans l’enquête, qu’ils soient ou non entachés de l’exagération dont il est permis de les soupçonner.

La valeur vénale des marchandises est, comme chacun sait, la résultante de l’impôt, du coût des matières premières, des salaires, des profits de l’entrepreneur, etc. Or la somme de 1,464,000,000, prix déclaré des marchandises fabriquées et vendues à Paris, est un produit composé des élémens dont suit l’énumération :


Impôts. (Taxes directes, indirectes et octrois) 146,400,000 fr, soit 10 0/0
Matières premières, transports compris[1] 366,000,000 — 25
Intérêts des capitaux circulans, escomptes, etc. 73,200,000 — 5
Loyers des ateliers, magasins et boutiques 102,480,000 — 7
Détérioration et remplacement du matériel, combustible, frais imprévus 117,120,000 — 8
Commis des bureaux 58,560,000 — 4
Salaires d’ouvriers[2] 278,160,000 — 19
Profits des entrepreneurs 322,080,000 — 22
Totaux 1,464,000,000 fr, — 100 0/0
  1. Si, dans quelques industries déjà signalées, la matière première augmente beaucoup le prix, le contraire a lieu pour le plus grand nombre des métiers, où l’élément primitif est à peu près sans valeur.
  2. Ce total de 278,000,000 pour les salaires correspond à 288 journées pleines de travail. J’ai dû adopter ici ce chiffre pour me conformer aux vagues estimations de la chambre de commerce, qui laisse flotter le nombre des journées effectives entre 250 et 300. Je démontrerai plus loin l’exagération de cette conjecture.