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taine gauche de méthode à tout, qui, à la vérité, peut faire donner du pied au c… à un amant par une coquette du Palais-Royal ; mais les bonnes gens de la rue de Condé se gouvernent par d’autres principes : une perruque, un gilet, des galoches ne doivent faire chasser personne, quand le cœur est excellent et l’esprit de mise. Adieu, Boisgarnier, voilà un long article pour toi. »


En lisant cet éloge un peu meurtrier des qualités morales du pauvre Miron au détriment de ses qualités brillantes, on a besoin de se souvenir que Beaumarchais déclare plus haut que les frivoles agrémens ne lui manquent même pas, et en effet ils ne lui manquent pas. Le Miron, à en juger par sa correspondance, s’il est un peu pédant, n’est nullement sot. Le goût de la poésie et des beaux-arts qui règne dans la famille Caron ne lui est point étranger. Voici une épître de lui assez bien tournée pour un avocat en parlement, et qui nous offre un assez joli portrait de Mlle de Boisgarnier. Expliquons d’abord les motifs de l’épître. On se rappelle que M. de Miron a reçu de ses pères le nom de Janot, et que Mlle de Boisgarnier s’appelle Janette ou Tonton. Elle a pris en haine ce nom vulgaire et ne veut plus être fêtée le jour de la Saint-Jean. C’est dans cette circonstance que l’amoureux avocat Janot de Miron plaide pour son saint et parle en ces termes :

BOUQUET À JANETTE.

 
Eh quoi ! tu veux, chère Tonton,
Faire une injure à ton patron !
Serait-ce caprice, inconstance,
Ou ne crois-tu pouvoir avec décence
Porter encor ce joli petit nom
Qu’on te donna dans ton enfance ?
Quand tu dis oui, je ne dis jamais non…
Cherchons donc…

Et après avoir passé en revue tous les noms poétiques, l’avocat Miron conclut ainsi :

...............
Je sais que tu tiendrais pour le nom de Corinne,
Et j’adopterais bien ton choix,
Pour célébrer cette grâce enfantine,
Ces charmes ingénus de ta gentille mine
Spirituelle autant que fine,
Ces traits saillans et naïfs à la fois
De ton humeur vive et badine,
Ces sons harmonieux d’une harpe divine,
Qui semble être sensible aux accens de ta voix,
Et tour à tour sous tes doigts,
Nous ravit et nous lutine……
Mais pourquoi te débaptiser ?
C’est un peu tard s’en aviser ;