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et sur un visage épanoui brillaient deux beaux yeux noirs remplis de flammes et de malice. Sa bouche, toujours entr’ouverte comme une grenade mûre, laissait apercevoir deux rangées de belles dents courtes et fines qui distillaient un sourire lumineux. Bien élevée, instruite, d’une imagination vive et féconde, la Faustina était une femme agréable qui possédait toute la grâce d’une gentildonna vénitienne. Sa voix était un mezzo-soprano d’une étendue presque de deux octaves, partant du si au-dessous de la portée jusqu’au sol supérieur, limite qu’elle dépassait au besoin en poussant jusqu’au si aigu. Cette longue et belle échelle de sons argentins et purs était d’une flexibilité admirable, et chaque note exhalait un timbre délicieux. Excellente musicienne, douée d’un instinct dramatique des plus rares, elle trouvait spontanément les ornemens les plus compliqués qu’elle exécutait avec un brio étonnant. Toutes les merveilles de la vocalisation, les gammes simples et doubles, les trilles, les étincelles mélodiques, les caprices les plus adorables de l’esprit le plus fin et le plus gai, jaillissaient de sa bouche de rose en répandant au loin un parfum d’ambroisie. Il fallait la voir et il fallait surtout l’entendre lorsqu’elle attaquait une note aiguë qu’elle suspendait dans l’espace en la remplissant lentement de son haleine inextinguible dont elle savait économiser le souffle avec une maestria suprême. Jamais une intonation douteuse, jamais elle ne manquait le but qu’elle voulait atteindre, et sa voix douce, pénétrante, plus limpide que forte, exécutait sans broncher les difficultés les plus ardues. La Faustina était une cantatrice de demi-caractère, touchant à la passion sans y entrer complètement, effleurant de son aile les eaux de l’abîme sans y plonger le regard. Elle aimait surtout à lutiner la mesure, à se jouer du rhythme comme l’oiseau qui se balance sur un rameau flexible, à manifester la grâce et l’enjouement de son esprit par ces tempo rubato qu’elle employait souvent dans les mouvemens rapides, et où elle excellait à rendre les mille coquetteries de l’imagination féminine dont elle était pétrie.

La Faustina avait une prononciation parfaite; chaque mot était articulé dans la juste mesure qui doit empêcher le clapotement des lèvres et le revêtir de la sonorité nécessaire. Tous les contemporains de cette admirable cantatrice s’accordent à lui reconnaître ce que les Italiens appellent il canto granito, c’est-à-dire un style perlé, fluide, mellifluo, doux et mordant, un mélange heureux de grâce et de force, d’ombre et de lumière, de gaieté et de sentiment. Mancini, Burney, Hawkings, Schubad; un célèbre critique allemand du XVIIIe siècle, Rochlitz, que nous avons déjà cité; Majer de Venise, le président De Brosses et beaucoup d’autres voyageurs qui avaient entendu cette dixième muse de l’Italie, ou qui se sont faits l’écho de sa renommée, sont unanimes dans le jugement qu’ils portent de la Faustina. Ce jugement est d’ailleurs confirmé par deux contemporains dont on ne