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……. A conduire un char dans la carrière.


Auguste II avait beaucoup voyagé dans sa jeunesse; il avait parcouru l’Italie et visité, sous le règne de Louis XIV, la cour de France, dont l’éclat et la magnificence l’avaient frappé. Il eut des démêlés avec le roi de Suède, Charles XII, qui vint le visiter à Dresde à la tête d’une armée, et lui suscita un rival au trône de Pologne dans la personne du bon roi Stanislas. Placé ainsi dans une situation difficile entre deux voisins fort incommodes, Pierre-le-Grand et le conquérant suédois, Auguste II se consolait des revers et des soucis de la politique avec de belles cantatrices et de la bonne musique. Il a eu un grand nombre de maîtresses, et autant d’enfans naturels qu’il y a de jours dans l’année, s’il fallait s’en rapporter à la chronique galante de la cour de Saxe. Parmi ses maîtresses avouées et reconnues comme faisant partie des joyaux de la couronne, il y en eut sept, dont nous ne citerons que la comtesse de Kœnigsmark, mère du maréchal de Saxe, le plus illustre des bâtards d’Auguste II[1]. Ce roi très vert et très galant, qui avait beaucoup du diable à quatre dont parle la chanson, n’était jamais plus heureux que lorsqu’il revenait dans sa bonne ville de Dresde, qu’il embellissait chaque année et où il était adoré.

C’est à la cour de ce roi aimable et fastueux, au milieu des intrigues et des séductions de toute nature, que Hasse conduisit, en 1731, la belle Faustina. Ils étaient jeunes tous les deux encore, tous les deux étaient célèbres et maîtres reconnus dans l’art de charmer. En revenant dans sa patrie après sept ans d’absence, Hasse y retrouvait le goût et la musique de l’Italie, qu’il venait de quitter et où il avait acquis sa réputation. Il n’avait donc pas à changer de manière pour réussir à Dresde, comme il avait réussi à Naples et à Venise, car la jolie capitale de la Saxe, nous l’avons dit, était bien moins alors une ville allemande qu’une colonie lointaine, où régnaient le luxe, la sociabilité et les arts du midi de l’Europe. Les musiciens et les virtuoses les plus célèbres y apparaissaient tour à tour, et l’orchestre de l’opéra de Dresde jouissait d’une si grande réputation pendant la première moitié du XVIIIe siècle, que Rousseau, dans son Dictionnaire de musique, en a donné le plan et la composition comme un modèle qu’il propose d’imiter. Le premier opéra que Hasse écrivit pour le théâtre de Dresde fut Alessandro nell’ Indie, qui a été considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre. La Faustina y était admirable, et mérita les suffrages de tous les connaisseurs. Tous les opéras que le maestro a composés à la cour de Saxe pendant les trente années qu’il y a passées étaient conçus pour la plus grande gloire de la belle Vénitienne.

  1. Voyez, sur la comtesse de Kœnigsmark, la livraison du 15 octobre dernier.