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perpétuelle de l’église, celle qu’elle tient des paroles mêmes de son divin maître; elle y a toujours prétendu sans déguisement, elle n’y peut renoncer sans périr. L’autre lui est apportée par les circonstances, sans qu’elle l’ait jamais cherchée : elle s’en empare de ce droit qui appartient, dans les grandes nécessités, à l’intelligence et au dévouement; elle en est investie par un monde en perdition. C’est saint Paul sortant de ses prières pour mettre la main au gouvernail et rassurer les pilotes au désespoir. Pour la première de ses missions, toute divine par sa nature, l’église n’emploie que la parole de Dieu. Pour la seconde, humaine dans ses applications, elle appelle à son aide sans difficulté tous les moyens humains; les sciences, les lettres, les lois, les trésors même et les richesses de la vieille civilisation païenne sont mis hardiment à contribution par elle. La première de ces œuvres est élevée au-dessus de toute faiblesse et par conséquent de toute critique par l’infaillibilité promise; la seconde, qui s’accomplit sur le théâtre même des passions de la terre, entre la rudesse des Barbares et les raffinemens des vieux Romains, ne peut échapper à toute imperfection et à tout mélange. Exprimons cette distinction par un seul mot : la première est adorable, la seconde est admirable.

Il ne faut pas perdre cette différence de vue dans toute l’étude du moyen-âge. Tandis que, dans les premiers siècles, l’église n’avait eu qu’à se prêter à une civilisation toute faite, au moyen-âge elle a eu à présider elle-même à l’enfantement d’une société nouvelle. Demeurée, dans le débordement de la force matérielle, le seul asile de la justice, de l’imagination et de la pensée, il lui a bien fallu donner aux hommes des leçons de philosophie, de politique et de lettres; mais ce serait une erreur de penser que, comme elle a été mêlée à tout ce qui s’est fait à cette époque, elle ait aussi tout consacré. Il y a eu au moyen-âge une philosophie enseignée par des docteurs de l’église, et qui, pour cela, n’est pas infaillible, une politique pratiquée par des ministres de l’église, et qui, pour cela, n’est pas impeccable, des essais d’arts et de littérature tout religieux, et qui, pour cela, n’atteignent pas la beauté absolue. La raison en est simple : c’est que, quand l’église ou plutôt ses représentans humains font une œuvre humaine par sa nature, ils ne peuvent lui donner ce qui n’appartient pas à l’homme, la perfection et la perpétuité. De quelque point de vue qu’on examine le développement social du moyen-âge, à côté de l’influence prépondérante du catholicisme, ne craignons point de faire voir l’élément humain, parfois corrompu, toujours périssable.

Qui pourrait se refuser à reconnaître un tel mélange dans la société politique de cette époque? Se moque-t-on quand on nous donne le régime du moyen-âge comme un type de pureté politique? La gageure n’a pas même le mérite de la nouveauté : elle a été plus d’une fois