Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

générations incrédules et qui ne leur sont point accordés? Si, par cette intimité étroite établie entre le catholicisme et le moyen-âge, au lieu de grandir l’image de l’église, on ne réussissait qu’à la défigurer, en la contemplant dans un miroir imparfait? Si on méconnaissait surtout le caractère principal de la Divinité, à savoir cette facilité merveilleuse avec laquelle on la voit, à travers les siècles et d’un bout du monde à l’autre, se plier aux conditions les plus. diverses, s’accommoder des coutumes, des opinions, des institutions les plus dissemblables, et consacrer partout la variété des développemens de l’intelligence et de la liberté de l’homme?

Réfléchissons un peu, en effet, au nom divin que porte l’église, à ce nom dont les catholiques, justement fiers, sont empressés de se faire honneur. Si l’église de Dieu est dite catholique, est-ce uniquement parce que sa doctrine est prêchée sous toutes les latitudes, dans toutes les langues, à tous les peuples de l’univers? Cette universalité de lieux rend-elle bien toute la force et toute l’idée du mot catholique? — Nous croyons, pour notre part, et nous pensons n’être pas seuls dans cette conviction, qu’il y a une catholicité morale aussi bien que matérielle. L’église catholique est universelle, aussi bien parce qu’elle n’appartient à aucun peuple que parce qu’elle n’est l’apanage exclusif d’aucun état social particulier. Elle traverse les siècles et les révolutions, comme les mers, toujours portée sur la surface agitée des flots, et partout où elle aborde, elle arrive dans son domaine. Son Dieu n’est ni la Pallas d’Athènes ni le Jupiter Capitolin de Rome, il n’est plus même le dieu des Juifs qui ne protégeait pas les gentils; mais il n’est pas davantage le dieu d’une époque historique, il est le Dieu de tous les temps comme de toutes les nations; il est le Dieu de la nature humaine tout entière. Dès-lors il n’y a pas plus, à nos yeux, de méthode philosophique, d’inspiration littéraire et de combinaison politique qui puisse réclamer exclusivement la protection du catholicisme qu’il n’y a de terre ou de royaume qui puisse se vanter d’être son temple et sa demeure de prédilection. Toute philosophie qui s’accorde avec les données de la religion chrétienne, quelque mode de démonstration qu’elle emploie, toute politique qui observe les règles du juste, toute forme de l’art qui reflète l’image du beau, sont compatibles avec le catholicisme. Penser autrement, c’est faire descendre l’église aux proportions d’un parti, c’est fermer, comme faisaient quelques sectes étroites, les bras étendus du Sauveur crucifié.

Que si ce système exclusif est contraire à l’idée et au nom même de l’église, est-il plus conforme à son histoire? Est-il vrai que le moyen-âge soit en toutes choses l’âge d’or de l’église catholique? Nous connaissons plus d’un ennemi de l’église qui serait pressé d’adhérer à cette proposition, car enfin, si du XIe au XVe siècle l’église catholique