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A ses yeux le catholicisme contenait dans son sein, dès le premier jour, tout un système politique. Jésus-Christ est venu fonder tout un ordre nouveau de sociétés et d’institutions. Il a été révolutionnaire dans le bon sens du mot. Il a constitué sur les ruines de l’ancien monde une hiérarchie graduée et régulière dont l’église catholique, représentée par son chef, est le couronnement visible et l’arbitre universel. La famille forme le premier anneau de cette chaîne, la commune le second, la royauté le troisième, l’autorité ecclésiastique le dernier. A chacun de ces degrés, il y a devoir pour l’inférieur d’obéir au supérieur, devoir pour le supérieur de commander justement à l’inférieur : il n’y a de droits nulle part. Ainsi l’a proclamé en propres termes M. Donoso Cortès dans une lettre insérée dans les colonnes d’un journal religieux et qui a fait quelque bruit en son temps. Il n’y a pas de droits, car le droit contient en lui-même le recours à la force, s’il est méconnu. Tout droit poussé à l’extrême a l’insurrection dans ses flancs. Il n’y a donc point de droits proprement dits; mais il y a des devoirs, des devoirs pour le roi, pour le noble, pour le père de famille, aussi bien que pour le sujet, le paysan ou l’enfant. Dépositaire de la morale et infaillible elle-même, l’église veille à l’accomplissement de ces devoirs; elle dépose les souverains qui abusent, comme elle condamne les sujets qui résistent; elle sert de garantie aux sujets contre la tyrannie comme aux souverains contre la rébellion. C’est ainsi, conclut M. Donoso Cortès, qu’elle fait régner l’harmonie dans la société politique.

Cette innocente utopie du pouvoir absolu fera sourire peut-être quelques lecteurs : — heureuses les utopies qui font sourire! nous en avons tant entendu qui faisaient frémir! — mais, dans la pensée de M. Donoso Cortès, ce n’est pas là simplement une utopie, c’est le droit public de l’Europe chrétienne tel qu’il existait avant que l’ambition des souverains ou l’insubordination des peuples l’eût fait tomber en désuétude, alors que le souverain pontife disposait des couronnes, que tout roi se considérait comme le premier vassal de l’église, et qu’une déposition solennelle, prononcée sous forme de bulle, déliait, en cas de parjure du souverain, les sujets du serment de fidélité. Ici encore par conséquent, quoique M Donoso Cortès ne le dise pas en propres termes, c’est le moyen-âge qui rentre en scène, peut-être pas tout-à-fait le moyen-âge historique et réel, plutôt le moyen-âge des romans de chevalerie ou des romances de troubadour que celui des chroniques et des monumens, un moyen-âge auquel on prête ce qu’il n’eut jamais, l’esprit de conséquence et de système; mais enfin c’est l’état politique, plus ou moins épuré, du moyen-âge qu’on nous donne comme le régime idéal des sociétés catholiques.

Venons enfin à la publication de M. l’abbé Gaume. Nous n’avons pas la moindre intention de renouveler ici ni la querelle si vive,