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LE ZOLLVEREIN ET L’UNION AUSTRO-ALLEMANDE.

placer le débat sur son véritable terrain. Il répondit au chef du cabinet prussien que son gouvernement désirait également le maintien et l’agrandissement du Zollverein, mais qu’il demandait que cet agrandissement n’eût pas lieu uniquement vers le nord, qu’il se dirigeât aussi vers le midi de l’Allemagne, et qu’on s’entendît avec l’Autriche au sujet d’une union douanière et commerciale. Le discours du plénipotentiaire bavarois causa une légère surprise. On était loin de s’attendre aux nouvelles difficultés qui allaient surgir. Les séances du congrès de Berlin avaient à peine commencé, qu’on apprit que, plusieurs semaines avant l’ouverture du congrès, les gouvernemens représentés à Vienne, la Bavière en tête, avaient tenu, à partir du 6 avril, des conférences secrètes à Darmstadt, dans lesquelles ils s’étaient formellement coalisés contre la Prusse. M. von der Pfordten, le président du ministère bavarois, était l’ame de cette coalition, qui devait en quelque sorte être une revanche sur le traité du 7 septembre. Il y a cependant cette différence entre ce dernier traité et celui de Darmstadt, que le traité du 7 septembre a été fait dans l’intérêt de tous les membres du Zollverein et qu’il a été annoncé publiquement à tous les états faisant partie de l’union, tandis que la coalition de Darmstadt était dirigée contre le fondateur du Zollverein et ne lui a pas même été annoncée, lorsque les puissances coalisées se sont fait représenter au congrès de Berlin[1].

En Prusse, on s’attendait si peu à un pareil revirement, que l’on crut un moment que l’Autriche était étrangère à la formation de la coalition de Darmstadt. Il ne manquait même pas de publicistes qui, par ruse ou par ignorance, disaient que cette coalition était aussi bien dirigée contre l’Autriche que contre la Prusse, attendu que son véritable but était la prépondérance de la Bavière dans le midi de l’Allemagne. Cependant ce qu’on sait sur le traité de Darmstadt paraît prouver le contraire.

La Bavière, le Wurtemberg, la Saxe, les deux principautés de Hesse, le Nassau et le grand-duché de Bade avaient d’abord approuvé à Darmstadt le dernier protocole du congrès de Vienne ; mais, comme nous l’avons déjà fait observer, ce protocole n’avait pas un caractère définitif. Ces États s’étaient encore engagés à déclarer à Berlin qu’il fallait traiter avec l’Autriche sur les bases du projet élaboré à Vienne, et à ne pas terminer les négociations concernant la prolongation et l’a-

  1. Jusqu’à présent, on a pensé en Allemagne que la publication du traité de Darmstadt était le résultat d’une indiscrétion : ce n’est pas notre avis. La position des plénipotentiaires allemands devenait de plus en plus embarrassante, et à la longue il leur était impossible de garder les apparences de l’impartialité envers le gouvernement de Berlin, puisque, par un traité, ils s’étaient formellement engagés envers l’Autriche. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que l’Autriche avait intérêt à une manifestation éclatante contre la Prusse. Il nous semble donc plus que probable que le traité a été publié du consentement indirect de ses propres auteurs.