Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mme du Hausset, dans ses mémoires assez curieux sur Mme de Pompadour, parle en ces termes du crédit de Du Verney : « M. Du Verney était l’homme de confiance de Madame pour ce qui concernait la guerre, à laquelle on dit qu’il s’entendait fort bien, quoique n’étant pas militaire. Le vieux maréchal de Noailles l’appelait avec mépris le général des farines, et le maréchal de Saxe dit un jour à Madame que Du Verney en savait plus que ce vieux général. Du Verney vint un jour chez Madame où se trouvaient le roi, le ministre de la guerre et deux maréchaux, et il donna un plan de campagne qui fut généralement applaudi. Ce fut lui qui fit nommer M. de Richelieu pour commander l’armée à la place du maréchal d’Estrées. »

Si Du Verney fut, en effet, l’auteur de ce choix, ce n’est pas le cas de l’en féliciter, car Richelieu ne se signala guère que par ses rapines dans le Hanovre, et rendit désastreuse la fin de cette campagne, brillamment commencée par la victoire d’Hastembeck, due au maréchal d’Estrées ; mais l’influence de Du Verney sur Mme de Pompadour eut quelquefois de meilleurs résultats. Désireux d’attacher son nom à une création utile, il obtint de la maîtresse du roi qu’elle prendrait sous sa protection l’idée d’une école militaire destinée à former de jeunes officiers. Le plan de Du Verney souleva beaucoup de clameurs. Mme de Pompadour y mit de l’obstination, et, grâce à elle, l’école militaire fut fondée par un édit de janvier 1751, de sorte que nos jeunes sous-lieutenans, qui peut-être ne s’en doutent guère, doivent l’école qui a précédé et engendré l’École militaire actuelle à l’association d’une belle dame et d’un vieux financier.

Nommé directeur de cette école sous le titre d’intendant, Du Verney s’occupa d’abord de faire bâtir le vaste édifice qui existe actuellement au Champ-de-Mars. Tandis que cet édifice se construisait, les désastres de la guerre de sept ans avaient notablement diminué l’influence de Mme de Pompadour ; l’École militaire, considérée comme son ouvrage, était, à ce titre, vue d’assez mauvais œil par la famille royale et le ministère lui-même. Au bout de neuf ans, en 1760, le bâtiment n’était pas encore terminé ; on y avait déjà réuni un certain nombre de jeunes gens, mais l’institution languissait faute d’appui. Cet état de choses faisait le désespoir du vieux Du Verney, qui mettait toute sa gloire dans cette création, et dont le caractère actif, inquiet, impétueux, est assez bien peint dans ce quatrain fait après sa mort ;

Ci gît ce citoyen utile et respectable,
Dont le souverain bien était de dominer ;
Que Dieu lui donne enfin le repos désirable
Qu’il ne voulut jamais ni prendre ni donner !

Du Verney était donc sans cesse à la cour, travaillant pour son école