Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

Leicester-House : il avait mis la royauté hors de pages ; il faisait plus que régner, il gouvernait.

L’histoire des douze années du ministère de lord North ou mieux du gouvernement personnel de George III est remplie par la guerre de l’indépendance américaine. Ce serait sortir du plan de cette étude que de retracer les incidens de cette longue lutte. Nous en avons montré la cause ; il n’y a qu’à faire remonter à la cause, c’est-à-dire à la politique personnelle de George III, la responsabilité du dénoûment.

Il serait également inutile d’insister sur les diverses évolutions tentées par l’opposition dans le parlement pour prévenir les fatales conséquences de cette guerre. La résistance des chefs whigs au gouvernement fut impuissante. Quand, après douze ans, ils arrivèrent au pouvoir, ce ne furent point leurs efforts qui les y portèrent, ce furent les événemens désastreux produits par la politique de George III. Il n’y a ici d’intéressant que les phases morales par lesquelles passa l’opposition libérale pendant ce long espace de temps. Au commencement, l’opposition fut ardente contre lord North. La vieille clameur contre lord Bute et contre le favoritisme se réveilla plus ardente que jamais. Lord Bute se tenait, il est vrai, dans une retraite absolue, il ne voyait plus le roi, il voyageait même en Italie quand lord North fut nommé ministre ; mais son système triomphait, et il n’est pas surprenant que le public et même les principaux hommes politiques crussent que son influence durait encore, puisqu’ils voyaient régner les idées qu’il avait enracinées dans l’esprit de George III. Cependant l’effervescence ne peut être de longue durée chez un peuple. L’affaissement succéda aux premières ébullitions. Quand les Américains ne se contentèrent plus de résister aux usurpations de la métropole et déclarèrent leur indépendance, le sentiment national se révolta contre cette prétention ; quand des discussions on passa aux armes, les intérêts mercantiles, flairant les profits de la guerre, appuyèrent le gouvernement, et la majorité de la nation ne vit plus dans les Américains que des ennemis qu’il fallait vaincre pour sauver l’honneur du nom anglais. La question étant posée dans ces termes, la nation ne fut plus sensible aux vicissitudes de la guerre : lorsque le succès favorisait les armes anglaises, le peuple, dans son imprévoyance, applaudissait à la continuation d’une lutte où il croyait être sûr de vaincre ; lorsque le succès était pour les Américains, le peuple, par fierté patriotique, appuyait la continuation de la guerre pour venger l’honneur national. Les hommes politiques qui dirigeaient l’opposition, et qui voyaient de plus loin que le peuple l’abîme où on allait aboutir, se trouvèrent presque toujours en désaccord avec le sentiment public, froissèrent les préjugés nationaux, et furent délaissés par la force qui seule peut soutenir une opposition, la popularité.