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de la promesse de la trésorerie, quand on serait sorti des embarras du moment. Lord Bute l’assurait qu’il ne garderait pas long-temps ce ministère, auquel il sentait lui-même son inaptitude : il ignorait jusqu’à la langue des finances ; il était incapable de traiter avec les banquiers et les négocians qui avaient affaire à son département. Il avait insisté, disait-il, auprès du roi pour obtenir la permission de se retirer ; mais ses instances avaient tellement affecté George III, qu’on le voyait quelquefois assis des heures entières, la tête dans ses mains, sans dire une parole. La princesse douairière avait supplié lord Bute d’avoir égard aux anxiétés morales du roi, et c’était le seul motif qui le retînt passagèrement, disait-il, à la trésorerie en attendant qu’il pût céder la place à George Grenville.

Avec sa hardiesse naturelle et son dédain accoutumé des criailleries populaires, Fox exécuta les hautes œuvres de lord Bute. Il fit voter la paix et nettoya l’administration de tous les fonctionnaires que les whigs y avaient placés. On dit qu’en acceptant la direction de la chambre des communes. Fox avait entrepris d’acheter une majorité en faveur de la paix. Les chroniqueurs du temps assurent qu’il ouvrit le marché des votes dans son propre ministère. Les votes furent tarifés le plus bas à 200 livres sterling, et l’on prétend que le secrétaire de la trésorerie, M. Martin, reconnut que 25,000 livres avaient été dépensées ainsi en une matinée. Fox fut aussi cruel dans la Saint-Barthélémy des fonctionnaires qu’il avait été cynique dans le trafic des consciences. Il alla jusqu’à destituer de petits commis de la douane, jusqu’à supprimer de modestes pensions de veuves. Il suffisait pour que la victime fût frappée qu’elle fût redevable de sa position à l’un des ministres disgraciés. Cette averse de destitutions fit dire assez spirituellement à un journal : « Le gouvernement a destitué tous ceux que les anciens ministres avaient mis en place, excepté le roi. » Les grands seigneurs whigs furent les premiers atteints. Les démissions de leurs emplois honorifiques leur furent réclamées. Le prince des whigs, le duc de Devonshire, se vit brutalement redemander sa clé de chambellan ; le marquis de Rockingham renvoya la sienne. George III biffa de sa propre main le nom du duc de Devonshire sur la liste des conseillers privés. Ces seigneurs et le duc de Newcastle furent révoqués de la lieutenance de leurs comtés. Quand Fox eut accompli sa tâche, il obtint son salaire. Il trouva dans la chambre des lords un refuge contre l’animadversion publique, et déroba son nom déconsidéré sous le titre aristocratique de comte Holland.

En ce moment, c’est-à-dire au commencement de 1763, la politique personnelle du roi avait fort avancé sa besogne. Les grands whigs, sauf la coterie complaisante du duc de Bedford, avaient été écartés du gouvernement. Les whigs étaient dans l’opposition, mais ils y