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LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

saient auprès de la couronne les grandes places honorifiques. Tant que ces groupes aristocratiques continuaient à s’entendre, le faisceau des whigs ne pouvait être brisé, et leur prépondérance défiait toutes les attaques ; mais, s’ils venaient à se diviser, ils s’annulaient ; la royauté devenait alors pour les ambitions flottantes le seul point d’appui fixe et permanent ; toute leur puissance tombait en fragmens et passait peu à peu aux mains du roi.

George III et ses conseillers intimes ajustèrent leur conduite à ces considérations. George, pour établir son gouvernement personnel, n’eut pas besoin de sortir de la lettre de la constitution anglaise. S’il eût voulu faire prévaloir la prérogative royale ouvertement, à la façon de Jacques II, il eût été vaincu, car il aurait réuni contre lui ceux qu’il ne pouvait battre qu’en détail. La constitution lui offrait une ressource : le droit de choisir ses ministres. Ce droit exercé avec ruse et à propos suffisait. Il y aurait eu deux manières dangereuses de s’en servir. Si George eût d’abord changé le ministère en masse pour substituer brusquement une politique à une autre, ou bien s’il eût simplement, pour établir du premier coup sa prépotence, formé un cabinet de favoris et d’affidés, les whigs, menacés tous à la fois du même danger et avertis en même temps, seraient restés unis et eussent fait reculer le roi devant leur opposition compacte. Il y avait un moyen plus sûr et plus habile : c’était d’écarter peu à peu et un à un, du ministère et des grands emplois de la cour, les chefs du parti whig. De la sorte, on prévenait toute explosion d’opinion populaire en leur faveur ; puis on les envoyait isolément dans une opposition où les précéderaient et les affaibliraient des défiances mutuelles, des divisions violentes, des inimitiés implacables. Voilà ce que fit George III et ce qu’il fit avec succès. En effet, l’avantage d’une pareille politique, c’est qu’on n’est pas forcé de la démasquer pour l’exécuter ; ceux mêmes contre lesquels elle est dirigée ne s’en aperçoivent point et lui fournissent à chaque instant des occasions et des instrumens ; elle prend tous les noms, elle exploite toutes les circonstances, elle se sert de tous les concours, elle attend et choisit son heure ; elle commence par faire ses complices dupes de ceux qui doivent être ses victimes, en s’adressant à leurs vanités, à leurs ambitions : même au besoin les prétextes ne lui manquent pas pour séduire leur honnêteté. Les aveugles qu’elle joue ainsi et qu’elle culbute les uns par les autres pour leur passer sur le corps ne reconnaissent la machination qui les met à terre que lorsque le tour est joué. Pour réussir dans une telle œuvre, une profonde et vaste intelligence n’est point nécessaire ; c’est assez, George III en est la preuve, du plus mince génie, pourvu qu’il soit doublé d’opiniâtreté et redoublé d’astuce.

Le parti whig comprenait, à l’avènement de George III, quatre ou