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cette foi dans la victoire, cet orgueil passionné du nom anglais, cette véhémence fougueuse qui étaient tout son génie. Sur mer par ses flottes, sur terre par les armées de Frédéric II et du prince Ferdinand de Brunswick, en Amérique par la conquête du Canada et des Antilles, en Asie par la conquête de l’Inde, il humilia et abattit pour long-temps la puissance de notre pays, et il souffla à l’ambition de l’Angleterre une exaltation inouie. Chose étrange, il fit marcher du même pas la conquête et le commerce. Les sommes immenses qu’il jeta dans la guerre avec une prodigalité sans exemple semblèrent effleurer à peine les ressources de la nation. L’importance de plusieurs grandes villes manufacturières de l’Angleterre date de cette époque. La Cité de Londres s’enrichissait en jubilant de patriotisme. Le monument qu’elle éleva à la mémoire de lord Chatham porte témoignage de cette miraculeuse coïncidence de bonheur ; l’inscription rappelle que, sous son ministère, « le commerce s’est allié aux armes et a fleuri par la guerre. »

Si donc George III arrivait au trône dans des circonstances favorables à l’agrandissement du pouvoir royal, il trouvait en même temps les affaires d’Angleterre en pleine prospérité et dans une veine d’imposante grandeur. Il faut voir l’usage qu’il fit de son pouvoir royal et ce que devinrent entre ses mains la grandeur et la prospérité de son pays.


II.

Il y a trois choses à déterminer dans les vingt premières années du règne de George III : le système de conduite qu’il adopta, les hommes et les associations politiques vis-à-vis desquels il le suivit, les événemens qui en furent l’occasion ou la conséquence.

Le but de George III était d’agir de ses idées et de sa volonté sur le gouvernement de l’Angleterre. Le premier et le principal obstacle qu’il rencontrait sur son chemin était la puissante confédération des grands seigneurs et des hommes d’état du parti whig. Les whigs étaient, comme on l’a vu, le seul parti organisé pour le gouvernement. Ils avaient depuis cinquante ans la possession et les traditions du pouvoir. Dans cette ligue, les uns apportaient le talent et la popularité, les autres le rang, les autres la richesse. Leur ascendant s’était enraciné dans toute l’étendue du pays par les moyens d’influence et de patronage que le long exercice du pouvoir confère aux hommes politiques sur toutes les classes d’une nation. Leur puissance avait dépendu surtout de leur union, et il leur était plus facile qu’à aucun autre parti de perpétuer cette union, car toutes leurs forces venaient aboutir comme à un centre à un petit nombre de grandes familles patriciennes dont les chefs occupaient les principaux postes politiques ou remplis-