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LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

naient fermée sur lui la porte de la vie politique tenaient la royauté en tutelle. Contre l’ennemi commun, il essaya d’exciter les jalousies et les prétentions de la royauté ; il dénonça le parti qui était au pouvoir comme une oligarchie aristocratique et parlementaire usurpant sur les droits de la couronne. Suivant lui, le roi était bien plutôt l’expression de la souveraineté nationale qu’un parlement où quelques puissantes familles coalisées régnaient à leur guise. Dans un pamphlet intitulé Idée d’un Roi patriote, il conviait la royauté au nom du patriotisme à rompre le vasselage auquel l’assujettissait l’usurpation insolente de l’aristocratie parlementaire. Comme, au moment où il exposait ces théories, Bolingbroke était un des membres les plus actifs de l’opposition ameutée contre Walpole, cette étrange doctrine n’excita aucune clameur ; elle passa sous le sauf-conduit de l’impopularité du ministre contre lequel elle était dirigée. La maison du prince de Galles, père de George III, Leicester-House, était alors le foyer le plus ardent de l’opposition ; c’était sur l’héritier présomptif de la couronne que l’opposition comptait pour dissoudre la confédération qui soutenait Walpole dans le parlement, c’était à lui que l’opposition destinait ce rôle de roi populaire et anti-parlementaire tracé par Bolingbroke. Les doctrines de Bolingbroke furent accueillies avec ardeur dans la maison du prince ; elles devinrent ce que l’on appela bientôt la politique de Leicester-House. Un homme surtout en garda une impression profonde, ce fut le gouverneur de George III, lord Bute. Écossais, lord Bute ne connaissait rien de l’esprit de l’Angleterre ; il était tory de tradition ; la doctrine de Bolingbroke lui paraissait la plus conforme à la dignité de son élève et la plus favorable à l’agrandissement de sa propre fortune. Il l’inculqua donc à George III, et c’est au nom de la même théorie que la princesse de Galles, dont lord Bute, disait-on, était l’amant, avait murmuré de si bonne heure à l’oreille de son fils ces mots enivrans : « George, soyez roi ! »

Tandis qu’une femme, un courtisan et un adolescent préparaient ainsi dans l’obscurité de Leicester-House la fin du long ascendant des whigs, ceux-ci, en s’unissant une dernière fois et en plaçant Pitt à leur tête, marquaient d’une gloire impérissable la dernière heure de leur puissance, à l’avènement de George, M. Pitt était premier ministre depuis quatre ans. Les commencemens de la guerre de sept ans avaient été désastreux ; l’Angleterre était aux abois quand Pitt prit les affaires. L’ardeur de son ame, la vigueur de son caractère plus encore que la sûreté de son intelligence relevèrent tout en quelques mois. Sa politique fut, comme son éloquence, un ouragan. Il mit le feu à l’Angleterre. Il communiqua à ses collègues, à l’administration, aux généraux et aux soldats, aux amiraux et aux matelots, à ses compatriotes et aux alliés de l’Angleterre cette fierté, ce sentiment de supériorité,