Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/1205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans être mieux renseigné pour cela sur l’histoire de notre idiome national.

L’ouvrage de M. Vallet de Viriville intitulé Histoire de l’instruction publique en Europe et principalement en France depuis le christianisme jusqu’à nos jours[1] se place naturellement auprès du livre de M. Du Méril. La lutte qui vient de se ranimer entre renseignement laïque et l’enseignement clérical, les réformes qui s’opèrent en ce moment même dans F Université, le besoin senti par tous d’une modification profonde dans notre système d’études, donnent au travail de M. Vallet de Viriville un intérêt pratique et tout-à-fait actuel. En suivant depuis l’origine jusqu’à notre temps même l’organisation de l’enseignement théologique, littéraire et scientifique, l’auteur indique nettement les phases diverses que cet enseignement a traversées, et l’un des principaux mérites de son livre, c’est de marquer toutes les transformations, toutes les modifications que renseignement a subies sous le rapport politique, administratif et moral.

Duboullay, Launoi, Crévier et la plupart des écrivains qui se sont occupés de l’histoire de l’université, ont fait cette histoire tout d’une pièce; pour eux, depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIV, rien n’a changé; l’Université est toujours la fille aînée des rois de France, avec ses docteurs fourrés d’hermine, ses massiers solennels et ses privilèges imprescriptibles. Ils acceptent sans les contrôler toutes les erreurs traditionnelles; ils lui donnent Charlemagne pour père, Alcuin pour premier grand-maître, et peu s’en faut qu’ils n’en fassent remonter, comme le chancelier Gerson, l’idée première à Noë. M. Vallet démonte pièce à pièce tout cet échafaudage systématique, et, en se plaçant toujours sur le terrain des faits, il nous montre l’Université telle qu’elle fut réellement, c’est-à-dire exclusivement cléricale et monastique à l’origine, subordonnant tout à la théologie, formant des chrétiens plutôt que des savans, sans être pour cela hostile à la science, puis se sécularisant peu à peu, quand la société civile commence à se constituer à côté de la société religieuse, pour se placer plus tard comme une rivale en face du clergé. Il nous la montre dans ses rapports avec le gouvernement, dans sa vie publique et dans sa vie intime, dans l’intérieur de ses collèges, dans les mœurs de ses maîtres et de ses écoliers, dans les querelles de ses pédans. Au milieu des ardentes disputes que soutient l’Université contre les rois, les grands corps de l’état, les ordres mendians et les jésuites, M. Vallet garde toujours une parfaite impartialité; nous l’en félicitons d’autant plus que l’écho de ces vieilles querelles s’est prolongé jusque dans notre temps, et que les parties intéressées ne sont guère aujourd’hui moins emportées qu’au moyen-âge.

Comme la question de l’enseignement, la question de la papauté, considérée au point de vue politique, soulève dans l’histoire d’orageux débats. Sans parler ici de quelques écrivains protestans qui ont poussé les récriminations jusqu’à l’insulte, on trouve dans le sein du catholicisme même deux écoles qui, chacune de son côté, vont, dans le blâme ou dans l’éloge, aux extrémités les plus absolues. C’est surtout à l’occasion de la grande lutte qui éclata au XIIe siècle pour se continuer jusqu’au XIIIe entre les papes et les

  1. Paris, 1849-1851; un vol. grand in-8o, avec planches.