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prédé-, était-il proclamé prince temporel, qu’il ceignait l’épée et s’en allait en guerre. Depuis que les Turcs sont fixés en Europe, on peut dire que la guerre n’a jamais cessé entre eux et le Monténégro. Par instans néanmoins des armistices intervenaient ; mais des deux côtés on ne reprenait des forces que pour de nouvelles attaques. L’année dernière, un armistice de ce genre avait été conclu ; les Monténégrins se sont hâtés de le rompre aussitôt qu’ils ont cru pouvoir le faire avec avantage. Si l’on en croit les bruits propagés par la presse autrichienne, très bien placée pour connaître la vérité à cet égard, le prince Daniel aurait inauguré son règne par des coups dignes de sa belliqueuse population. Cette fois, que l’on y prenne garde, les engagemens entre les Monténégrins et les Turcs ne sont plus de simples incidens de la vie barbare, ou, si l’on veut, héroïque, particulière à ces pays. Les Monténégrins forment aujourd’hui un état officiellement protégé par la Russie et de plus très dévoué à cette puissance. C’est un état slave, de religion grecque, fanatique, de sa nationalité et de sa foi, agissant au nom de l’une et de l’autre, sous les yeux de populations serbes, bulgares et bosniaques, qui sont de la même race et en général de la même croyance. Tous les avantages que les Monténégrins pourront remporter dans ces rencontres trouveront donc un écho dans la plupart des autres provinces de la Turquie d’Europe. Ce seront des exemples séduisans qui enflammeront des esprits déjà trop faciles à entraîner dans les tentatives hasardeuses, et, par malheur pour l’Europe comme pour la Turquie, l’influence que les Monténégrins exerceront ainsi parmi les Slaves ouvrira une nouvelle voie à l’action de la Russie dans ces contrées.

La situation politique des États-Unis est toujours la même. À peine une querelle avec les gouvernemens étrangers est-elle apaisée, qu’une autre commence immédiatemment. L’affaire. des iles Lohos est terminée, le gouvernement américain a reconnu les droits incontestables du Pérou, et voilà que déjà les Américains qui travaillent à la construction du chemin de fer de Panama commencent à vivre en mauvaise intelligence avec le gouvernement de la Nouvelle-Grenade ; mais de toutes ces querelles, la plus grave assurément est celle qui s’est élevée entre les Américains et les autorités de Cuba. Nous disons les Américains, car jusqu’à présent le gouvernement de Washington s’est renfermé dans une neutralité presque complète. Cette querelle grandit d’une manière démesurée et prend des proportions tellement alarmantes, qu’il est difficile de croire qu’elle puisse être vidée autrement que par la guerre. Reportons-nous de quelques mois en arrière, et voyons, par un résumé, succinct des faits, le chemin qu’a parcouru cette question.

Il y a quelques mois, à l’approche de l’automne, les journaux américains commencèrent à parler vaguement d’un nouveau projet d’invasion. Peu à peu des révélations de jour en jour plus complètes sur l’existence d’une société secrète, la Société de l’Étoile solitaire, composée cette fois non plus d’aventuriers, mais de riches capitalistes, de banquiers, de marchands, de propriétaires d’esclaves, furent faites par la presse américaine. Une fois l’Espagne bien et dûment avertie, les Américains ont ouvert le feu et ont fait tout ce qu’il est possible de faire pour irriter un gouvernement, fournir un prétexte à des hostilités, donner naissance aux soupçons, enflammer toutes les passions. La