Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/1190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

équi- aux privilèges détruits. Or, dans son nouveau plan de finances, M. Disraéli donne bien une sorte de compensation aux intérêts agricoles par rabaissement des droits sur la drèche et le houblon ; mais c’est une compensation trop indirecte pour apaiser la colère des vieux vétérans du protectionisme.

En dehors de ces discussions, le seul événement de quelque importance, c’est la continuation des préparatifs pour la défense nationale, l’accroissement des forces de terre et de mer. Que faut-il penser de ces préparatifs ? Faut il y voir une défiance excessive ou l’expression d’une pensée hostile au continent, et surtout à la France ? Nous croyons qu’il faut y voir tout simplement l’application du vieil adage politique recommandé de tout temps par les hommes d’état de tous pays : si vis pacem, para bellum. L’empressement de l’Angleterre à reconnaître le nouveau gouvernement de la France, les déclarations très complètes de lord Malmesbury à la chambre des lords, l’accueil gracieux fait par la reine Victoria à notre ambassadeur à Londres, sont de sûres garanties que non-seulement les bonnes relation ? entre la France et l’Angleterre ne seront pas troublées, mais même que, contrairement à certaines opinions qui s’étaient fait jour dans ces derniers temps, elles deviendront plus étroites et plus amicales encore que par le passé.

En Allemagne, les esprits sont de plus en plus portés à la conciliation. Le Zollverein prussien, si menacé il y a quelques mois, paraît devoir se raffermir en se reconstituant. L’Autriche éprouve décidément dans cette circonstance un échec analogue à celui qui a frappé les efforts téméraires du prince Schwarzenberg dans son projet d’une incorporation des provinces non allemandes de l’empire à la confédération germanique. Les prétentions étaient les mêmes dans les deux cas ; elles auront eu à peu près le même sort. Ce n’est point à la France de s’en plaindre. Bien que les traités de 1815 aient fait de la Prusse un adversaire de notre pays dans toutes les contestations territoriales qui peuvent surgir, mieux vaudrait encore la Prusse à la tête de l’Allemagne politique et commerciale, réalisant l’unité rêvée en 1848 à Berlin, que l’Autriche incorporée à l’Allemagne et ajoutant le poids de vingt-cinq millions d’ames aux trente-huit millions qui composent la confédération actuelle. Tout ce qui éloigne l’Autriche de ce but est un gain pour l’équilibre de l’Europe et par conséquent un gage de paix.

Aussi bien l’Allemagne paraît être aujourd’hui le pays d’Europe le moins désireux de voir éclater quelque grande conflagration internationale. Depuis un an, la crainte d’éventualités de cette nature a plus d’une fois dominé jusqu’aux altercations irritantes de la Prusse et de l’Autriche. Aux approches du rétablissement de l’empire en France, cette préoccupation est devenue naturellement plus vive. L’Allemagne, il est vrai, comme l’Europe et la France, était préparée au grave événement qui devait marquer l’anniversaire du 2 décembre 1851. L’installation du nouvel empire français ne pouvait pas causer d’émotion soudaine, ni en-deçà ni au-delà du Rhin. Ce n’est pas toutefois sans une curiosité mêlée de quelques inquiétudes involontaires que l’Allemagne envisageait le retour d’un régime qui lui a laissé de terribles souvenirs. Les gouvernemens germaniques ont tiré un excellent parti de la situation conservatrice créée par le coup d’état survenu en France ; mais ils auraient voulu