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littéraire devient manifeste vers la fin du règne de Sigismond III, qui mourut en 1632, Quoique la nuit approchât, c’était pourtant encore un magnifique coucher de soleil. Formés sur les modèles précédens, les écrivains de l’époque de Sigismond III perfectionnaient même leurs modèles, dont ils outrepassaient l’atticisme et la finesse de style. C’est par cette élégance des formes, par cette recherche et ce raffinement de prosodie, que le polonais se distingue entre tous les idiomes slaves.


II. — AGE CLASSIQUE DES LETTRES RUSSES ET ILLYRO-SERBES.

Où placerons-nous l’âge classique de la littérature russe? À cette question vraiment embarrassante, le plus facile serait de répondre : Dans l’avenir. En effet, jusqu’à ce jour, tout ce qu’on est convenu d’appeler classique en Russie ne l’est qu’au point de vue négatif, au point de vue de l’imitation européenne. S’il s’est déjà révélé çà et là en Russie quelques types admirables, ils n’ont pu nulle part encore atteindre à une parfaite maturité. C’est ce que démontre la période incontestablement la plus brillante de la littérature russe, depuis l’avènement de Catherine II jusqu’à la mort du tsar Alexandre.

Inutile de prouver que le règne de Pierre-le-Grand, malgré son immense activité, ne favorisa que bien peu la vraie et belle littérature. A l’avènement de Pierre Ier, c’est à peine si on commençait à écrire le russe vulgaire, qu’on bigarrait à chaque phrase soit de mots polonais, soit d’expressions empruntées à la langue slavonne ou ecclésiastique. Dégager de tous ses slavonismes, en même temps que du polonisme, la littérature nationale, rappeler à la fois le russe vulgaire et le slavon sacré à leur pureté première, les faire rentrer l’un et l’autre dans leur sphère respective, — telle était l’œuvre gigantesque, l’œuvre vraiment cyclopéenne offerte à l’énergie du réformateur; mais Pierre-le-Grand n’était pas l’homme d’une telle œuvre, il n’en comprenait qu’à demi l’urgente utilité. Absorbé par l’immense tache de la refonte morale de son empire, il s’inquiétait peu de la pureté du langage. En faisant traduire pour les besoins de ses sujets les ouvrages de science et d’art de l’Europe, il ne songeait guère à la beauté ni à l’élégance du style; il ne voyait en toute chose que le côté pratique. Pierre Ier créa ainsi, au lieu d’une langue compacte et régulière, une bizarre mosaïque de mots hollandais, anglais, allemands, français, mêlés au moscovite et au slavon, et cette mosaïque constitua la langue diplomatique et administrative de l’empire. C’était un chaos sans égal. Pierre-le-Grand n’avait soustrait la langue de son peuple au joug du polonisme que pour la jeter sous le joug de toutes les langues européennes à la fois. L’esprit slave, l’esprit national, n’avait donc rien gagné à ce brusque revirement.

Pierre-le-Grand prépara le sol russe pour les moissons de l’avenir;