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2 novembre 1771, et elles augmentèrent de douze pour cent la vente quotidienne de ce journal. Il fallut tirer à part dix-sept cent cinquante exemplaires du numéro qui contenait la lettre de Junius au roi George II.

Les journaux avaient encore un droit à conquérir, celui de publier les débats du parlement. De nos jours, les membres des assemblées délibérantes quêtent de toutes façons la publicité; il en est même qui voudraient imposer aux journaux, par mesure législative, la tâche ingrate de recueillir leurs moindres paroles. Au XVIIIe siècle, le parlement anglais maintenait avec une extrême rigueur l’interdiction prononcée autrefois par les Stuarts dans une pensée politique. On voit la chambre des communes renouveler périodiquement la déclaration, « que c’est une insulte à la chambre et une violation de ses privilèges d’oser donner dans un journal, manuscrit ou imprimé, aucun compte-rendu ou détail des débats ou délibérations de la chambre ou de ses commissions, et que les coupables seront poursuivis avec la plus grande sévérité. » La volonté du parlement se trouva un jour impuissante devant la curiosité publique. C’était le temps de la lutte du trop célèbre Wilkes contre le ministère et la majorité de la chambre des communes. Les séances de la chambre n’étaient qu’une suite de débats orageux, et du parlement l’agitation se communiquait au dehors. Un éditeur entreprenant, nommé Almon, se hasarda à publier trois fois par semaine dans son journal, le London Evening Post, les détails qu’il recueillait de la bouche de quelques députés. Pendant deux sessions, il ne fut point inquiété, et son succès encouragea d’autres journaux à l’imiter. La chambre des communes se crut bravée, et, dans la session de 1771, elle appela à sa barre les imprimeurs des journaux coupables. Ceux-ci ne comparurent pas; la chambre lança contre eux des mandats d’arrêt. Le lord-maire et Wilkes, qui était alderman, les firent remettre en liberté, comme arrêtés irrégulièrement et au mépris des privilèges de la Cité de Londres. La chambre des communes, après un débat des plus acharnés, réprimanda le lord-maire, qui était un de ses membres, et l’envoya à la Tour. Une dissolution survint, qui mit en liberté le lord-maire et les imprimeurs poursuivis, avant que la question légale eût été résolue. La nouvelle chambre des communes, soit qu’elle fût animée d’un esprit différent, soit qu’elle craignît un échec, ne renouvela pas la lutte, et laissa imprimer le compte-rendu de ses séances. C’est donc au prix d’un procès que les journaux anglais se sont mis en possession de publier les débats parlementaires; ils continuent à le faire, grâce à la tolérance des deux chambres, mais non pas en vertu d’un droit reconnu et incontestable. Les défenses de la chambre des communes subsistent encore, mais on les laisse sommeiller; il n’est pas à craindre qu’on les tire jamais de l’oubli. Il échappa une fois à