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MARINE. — Pour moi, je ne regarde pas ces gens-là.

THERESE. — Comment ! ignorez-vous ce que l’intendant du prince Adam nous a dit ? Ce Tartare, ce Cosaque écrit des lettres tous les soirs…

MARINE. — Il écrit ? un Cosaque !

SOPHIE. — Des vers peut-être.

THERESE. — Des lettres, des lettres adressées à Dieu sait quelles gens au-delà du Dniepr. Il reçoit des paquets mystérieux. L’autre jour, un Cosaque lui apporta une lettre ;… hier c’est un Bohémien qui lui en a remis une. Pour moi, je ne doute pas qu’il ne soit affilié à quelque bande de voleurs et qu’il n’écrive à ses amis pour qu’ils viennent une nuit brûler ce château et nous voler nos bijoux.

SOPHIE. — Mais vraiment vous me faites peur ! Et le prince Adam est-il instruit de tout cela ?

THERESE. — Certainement ; mais il dit que ce sont des folies de ses gens. Pourtant j’ai obtenu de lui qu’il parlât à ce jeune bandit et qu’il mît la main sur ces lettres mystérieuses.

MARINE. — Oh ! nous les lirons, et cela nous amusera.

SOPHIE. — Eh bien ! qu’a-t-il trouvé ?…

THERESE. — Il est monté chez cet homme, et nous les rapportera sans doute.

SOPHIE. — Voyons, chère Marine, que répondrai-je au pane Maluski ?

MARINE. — Tu lui répondras que si son ami le roi Henri IV lui…

LE PRINCE ADAM, entrant tout éperdu avec son intendant et quelques domestiques. — Ma femme !… ma femme !… Où est-elle ?

MARINE. — Qu’avez-vous, prince ?

THERESE. — Qu’y a-t-il, beau-frère ?…

LE PRINCE ADAM. — Ah ! mon Dieu !… le tsarévitch !… Qu’on prépare à dîner… Le fauteuil rouge… et la coupe d’or !… Le tsarévitch de toutes les Russies… Vite, vite, qu’on aille avertir ma femme !.. Toi, apporte bien vite la pelisse de renard noir et le sabre à poignée d’or.".. Michel, Michel ! fais mettre mon plus beau tapis de Perse dans le carrosse… et les six chevaux gris pommelés… Ah ! mon Dieu !… Ma femme !… Où est-elle ?

SOPHIE. — Mais, au nom du ciel ! prince, dites-nous ce qui est arrivé.

LE PRINCE ADAM. — Courez vite vous habiller, folles que vous êtes… Le tsarévitch dine ici… Piotrowski, tu as été long-temps en Russie, qu’est-ce que mange un tsarévitch ?

PIOTROWSKI. — Monseigneur…

MARINE. — Le tsarévitch dine ici !… Comment est-ce possible ?

THERESE. — Contez-nous donc comment ?

SOPHIE. — Mais, mon cher prince ?…

LE PRINCE ADAM. — Oui, oui. Habillez-vous vite, je n’ai pas le temps de vous entendre, (Il sort avec ses gens.)

MARINE. — Le tsarévitch dine ici ! Courons vite nous habiller…

THERESE. — C’est Fëdor Borissovitch, le fils du tsar de Moscou, qui voyage apparemment… Comment lui parle-t-on ?… Votre altesse, je pense…

SOPHIE. — Voilà un mari pour notre belle Marine ; qu’en dites-vous, princesse ? Le tsarévitch Fëdor, comme les héros de roman, voyage pour trouver une femme.