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Sinaï, témoignages curieux de la présence d’une colonie égyptienne dès les âges les plus anciens dans cette localité où des mines de cuivre l’avaient attirée. Le Sinaï est pour M. Lepsius l’objet de recherches d’un autre genre, et il arrive à cette conclusion, qu’on s’est trompé jusqu’ici sur la véritable cime de la montagne célèbre où la loi fut donnée au peuple juif, discussion intéressante sans doute, mais à laquelle je préfère l’interprétation des hiéroglyphes; car, lorsqu’il s’agit de faits merveilleux, soit qu’on les admette, soit qu’on les rejette, la tradition est la véritable histoire.

On voit que M. Lepsius ne se borne pas exclusivement à l’investigation des antiquités égyptiennes : tout en poursuivant cette étude, il a étudié aussi et classé diverses langues parlées aujourd’hui par les populations nubiennes et à peu près inconnues. C’est surtout, comme il le dit lui-même, l’histoire qui est l’objet des travaux de M. Lepsius. J’ai vu à Thèbes, entre ses mains, le manuscrit de son Livre des Rois, qui, tout porte à l’espérer, contiendra le tableau chronologique le plus complet des dynasties égyptiennes, depuis les Pharaons, qui ont élevé les pyramides, jusqu’à l’empereur Décius, le dernier nom de souverain écrit en hiéroglyphes que M. Lepsius ait découvert. Les Lettres de M. Lepsius annoncent de manière à en faire vivement désirer l’achèvement les grands travaux scientifiques dont plusieurs publications importantes ont déjà donné une haute idée au public en plaçant M. Lepsius à un rang si éminent parmi les égyptologues contemporains.


J.-J. AMPERE.


LA GRECE DU MOYEN-AGE ET TREBIZONDE, Médiéval Greece and Trebizond, par George Finlay[1], — Voici un bon ouvrage, qui renferme beaucoup et suggère encore davantage. Comme exposition des événemens, il ne satisfait pas entièrement; comme philosophie historique, il ne regarde que d’un côté; mais ce n’est pas moins là un livre substantiel, indiquant un homme qui a pensé par lui-même, qui a vu dans les faits une logique et des rapports découverts par lui, et qui, à plus d’un égard, s’est ainsi créé une manière neuve d’envisager l’histoire.

M. Finlay vient d’ajouter encore une étude de mérite aux travaux remarquables que la Grèce a inspirés de nos jours. Évidemment la Grèce attire les esprits. On subit le charme de sa littérature naïve et spontanée, on se tourne avec intérêt vers ses vieilles populations si impressionnables et si bien douées, quoique souvent si peu sages; on l’aime, en un mot, et peut-être est-ce là un caractère important de la direction actuelle des intelligences. Depuis long-temps sans doute, et pour ainsi dire de tout temps, les sympathies de l’Angleterre étaient allées du côté de l’antiquité hellénique; mais les nôtres, et en général celles de l’Europe, inclinaient plutôt du côté de Rome et de son esprit systématique. Maintenant les Romains sont généralement délaissés pour la Grèce, et plus que jamais l’Angleterre suit sa première pente. Dans le domaine de l’érudition européenne, la patrie d’Homère, d’Eschyle, de Platon, est sa province spéciale. Si la philologie et l’archéologie grecque doivent beaucoup aux Allemands, c’est aux Anglais qu’appartient la primauté dans l’histoire proprement dite. Pour leur rendre cette justice, il suffit de se rappeler les noms de Thirlwall et de G. Grote, et encore ces noms sont-ils loin de représenter tout ce que l’Angleterre a fait pour éclairer l’histoire de l’ancienne Grèce. A côté d’eux, il resterait à mentionner l’Histoire de la langue et de la littérature grecques, par le

  1. 1 vol. grand in-8o, Londres et Edimbourg, William Blackwood and sons.