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quatre autres tableaux qui prétendent au lyrisme sont sans importance. Ceci nous semble un fait singulier à Londres, dans la patrie de Shakspeare, l’archi-sorcier de la fantaisie, dans cette indisciplinable Angleterre où les écrivains se mettent chaque jour en contravention avec les règlemens du décorum et des goûts reçus, pour s’échapper librement et assez impunément en tout sens. Que les peintres aient à ce point renoncé aux excursions imaginaires, nous en sommes étonné, car les facultés qui abondent chez un peuple et qui y produisent des excès y engendrent aussi un génie particulier. Nous verrions avec peine que le nouveau levain d’étude sévère qui met en fermentation l’école anglaise dût étouffer cette veine originale de créations poétiques. Espérons plutôt qu’une instruction mieux réglée préparera à l’imagination de plus vastes conquêtes en aiguisant son regard et en doublant la portée de son vol.

De toutes les mines où peut puiser le peintre, il n’en est pas de plus exploitée que celle de la vie privée. Outre que les scènes domestiques ont un grand charme pour le gros du public, elles sont comme au bout de la brosse de l’artiste, et elles ne lui demandent guère d’autre effort d’esprit que la peine de copier. Tout le talent d’imitation dont il dispose trouve ici beau jeu pour se développer sans impertinence et à bon profit, avec cette double chance de gagner le plus large succès et au meilleur marché. Toutefois, quand c’est un homme de génie qui se tourne de ce côté, sous l’empire sans doute de quelque chaude et cordiale sympathie qui le relie à ses semblables autant qu’à l’art et au monde de l’imagination, il raconte alors l’histoire de la rue ou de la chambre avec une ferveur d’impression qui fait vivre ses couleurs. C’est un prestige de cette sorte que possède M. Webster, l’auteur de trois épisodes familiers ; avec le même souille animateur, il a su évoquer dans la Cour des récréations de l’école la gaieté bruyante et sans pensée de l’enfance, dans l’A. B. C. les premières épreuves de la vie humaine, dans la Lettre arrivant des colonies ses douleurs extrêmes el les plus profonds ébranlemens des affections.

Les portraits ont fourni leur contingent usuel : on sait qu’ils sont les adresses des peintres et le fond de toute exposition. Cette année seulement, ils se ressentent, comme exécution, de l’élan général de l’école vers un style plus sévère et un faire plus soigneux. M. F. Grant, qui garde encore bien des réminiscences de Reynolds et de Lawrence, est cependant ferme et exact le plus souvent, surtout dans ses figures d’hommes. Les figures de femmes lui sont moins favorables ; mais, s’il y échoue, c’est en bonne compagnie, il faut le dire, car les plus grands maîtres n’ont laissé proportionnellement que peu de bons portraits de femmes. Dans les têtes de M. J.-P. Knight, il y a du caractère et une touche hardie ; dans la Vicomtesse Hood, de M. Boxall, une grande élégance et beaucoup de grâce rendue avec un coloris exquis. La primauté