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rien à l’art, ne découlent pas moins de la personnalité de l’artiste. Ses figures offrent souvent de l’élévation, de l’élégance, de la grâce, et, malgré le laisser-aller de la touche, elles ont un air de vie, une franchise d’expression qui échappe tous les jours à des brosses plus serrées et plus soumises.

Lors de la fondation de Royal Academy en 1768, Reynolds en fut immédiatement nommé président, et l’année suivante il l’inaugura par son premier discours sur la peinture. En somme, il prononça ainsi quinze morceaux d’ouverture qui furent publiés après sa mort, et qui ont été traduits dans la plupart des langues de l’Europe. Les analyser ici serait hors de propos ; nous dirons seulement qu’ils renferment en général des aperçus solides autant que vastes, des conseils judicieux à la fois utiles pour l’élève et l’artiste, et, à travers tout cela, une certaine allure de pensée philosophique et grande qui les rend intéressans pour tous les lecteurs. Peut-être est-ce là que l’on peut le mieux saisir sur le fait le fondateur de l’école moderne de l’Angleterre. Si l’influence exercée par la manière propre du peintre est maintenant en grande partie éteinte, ses préceptes n’ont rien perdu de leur vitalité. Ils constituent encore chez ses compatriotes les bases de l’étude de l’art, comme celles de son organisation. De fait, c’étaient les conclusions qu’un esprit net et pratique s’était formées d’après sa propre expérience. Loin d’être des rêves systématiques de cabinet, elles étaient sorties des faits mêmes, et en conséquence elles sont restées réelles et réellement applicables.

Un des premiers actes de l’Académie royale avait été d’instituer des expositions annuelles, en statuant l’admission de plein droit pour les soixante-six titulaires et en soumettant les autres artistes à l’acceptation d’un comité composé de trois académiciens. Ces règlemens sont encore en vigueur, et, jusqu’à nos jours, les expositions se sont succédé sans interruption. L’exhibition de 1852 est donc la quatre-vingt-quatrième ; c’est assez dire qu’elle doit présenter un tout autre aspect que ses devancières. Au milieu du rapide mouvement qui a poussé en avant l’Angleterre dans toutes les voies de l’activité humaine, il eût été extraordinaire que les arts restassent au repos, et ils ont marché aussi. En dehors d’ailleurs de l’impulsion qu’elle a reçue des initiatives individuelles, l’école anglaise a été fortement relancée par d’autres causes, par les communications de peuple à peuple, toujours si essentielles à une nation insulaire, et qui, depuis plus d’un demi-siècle, ont été chaque jour se développant. L’élévation et la sévérité des artistes allemands, la vérité et l’énergie du pinceau français, ont en quelque sorte apparu au milieu des insulaires pour éveiller en sursaut le rêveur frivole tout épris de vains pastiches de tons vénitiens, modulés sur des procédés à la flamande. L’action des écoles du continent fut