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États-Unis. À cette époque aussi, deux missionnaires américains firent un voyage dans la Libéria et rendirent un compte favorable de ses progrès moraux et matériels, engageant les hommes de couleur libres des États-Unis à rejoindre leurs frères et à aller chercher auprès d’eux les bienfaits de la liberté politique, de l’éducation et du bien-être. Deux nouveaux établissemens furent ensuite formés, l’un dans le pays de Bassa, l’autre au cap Monte, le premier distant de soixante-cinq milles sud de Monrovia (cent quatre kilomètres), le second à quarante-huit milles (soixante-dix-sept kilomètres) nord. Ces deux points avaient depuis long-temps attiré l’attention de M. Ashmun. La colonie continua de prospérer sous l’administration du docteur Mechlin, venu en Afrique en qualité de médecin. M. Mechlin traita d’abord avec le chef Bob-Grey, en qui il trouva un appui énergique et une grande disposition à adopter les idées européennes, et le pays de Bassa vit naître une nouvelle ville à laquelle on donna le nom d’Edina, en l’honneur des citoyens d’Edimbourg qui avaient envoyé des secours à la Libéria. L’établissement d’Edina fut marqué par l’abolition d’un odieux monument de la superstition des natifs. C’est là qu’était le trop fameux buisson du diable, autour duquel se rassemblait le peuple, lorsqu’une calamité quelconque, toujours attribuée à la sorcellerie, venait fondre sur la contrée. Le grand diable désignait un individu qui devait être soumis à une terrible épreuve : on le forçait de boire l’énorme quantité de deux gallons (huit litres environ) d’une liqueur empoisonnée extraite d’un arbre nommé sassy. Si le patient rejetait immédiatement la liqueur, il était déclaré innocent; mais si son estomac trop robuste la conservait, il tombait bientôt dans un état affreux et se voyait alors pourchassé sur une plage de sable à coups de couteau et de bâton jusqu’à ce qu’il succombât sous la double atteinte du poison et des blessures. Le buisson du diable fut rasé, et à sa place s’éleva une chapelle de chrétiens baptistes.

Un établissement au cap Monte n’était pas sans difficultés. Les Anglais avaient échoué à plusieurs reprises dans leurs négociations avec les chefs indigènes pour se faire concéder un territoire. Le gouverneur Mechlin parvint enfin à obtenir l’autorisation d’y fonder un comptoir de commerce, qu’il fît ensuite fortifier. Il obtint en outre que la traite serait supprimée sur le point qui avait été long-temps l’un des principaux marchés des trafiquans d’esclaves. Plusieurs des chefs voisins pressentirent assez promptement les avantages que leur procureraient des relations intimes avec les Libériens et demandèrent à être admis dans le nouvel état, ce qui amena la suppression de quatre petites souverainetés. D’autres chefs au contraire virent avec jalousie les progrès de la nouvelle colonie, contre laquelle ils entamèrent des hostilités qui furent promptement et énergiquement repoussées par le gouverneur Mechlin. Les succès de cet habile administrateur amenèrent la pacification et la soumission de cinq nouveaux chefs.

De 1829 à 1834, la colonie poursuivit ses progrès avec lenteur, mais sans troubles. L’année 1 834 fut marquée par des embarras assez sérieux; les chefs de l’intérieur se livrèrent entre eux à des guerres cruelles; le commerce, l’approvisionnement même de la Libéria, en furent sensiblement affectés. On décida alors d’envoyer une ambassade auprès du plus puissant des chefs ennemis, le roi Boatswain, pour tenter de ramener la paix. Cette ambassade