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tel n’était point le cas lors de l’entrée en Hongrie du maréchal Windisch-Graelz, les Madgyars jugèrent à propos d’évacuer la place sans livrer bataille. Les Autrichiens n’en avaient pas moins laissé garnison dans la citadelle, soit afin de couvrir leur retraite, soit pour ne pas abandonner à l’ennemi le matériel de guerre entassé là, soit enfin qu’ils estimassent à juste titre que les Madgyars renonceraient désormais à l’idée d’un siège dont la première conséquence serait le bombardement impitoyable de leur belle ville de Pesth. Lorsque Goergei reçut l’ordre d’attaquer Ofen, la garnison autrichienne de cette place se composait en tout de cinq mille hommes, commandés par ce glorieux Hentzi, auquel, sur le sol témoin de sa mort héroïque, le jeune empereur François-Joseph élevait hier un monument aux yeux de la Hongrie pacifiée. Les Hongrois ne s’attendaient point d’abord à trouver là cette terrible résistance que le vieux caporal leur ménageait. Autant de fois ils se montrèrent sur les palissades du pont de chaînes, autant de fois ils furent repoussés, si bien qu’il fallut entreprendre un siège en règle. Goergei amena ses batteries sur les hauteurs, le Blocksberg et le Kalvarienberg se changèrent en arsenaux, et le 4 mai le bombardement commença. Après avoir montré à l’ennemi qu’il ne tenait qu’à lui désormais de réduire la forteresse tout entière en un monceau de ruines, Goergei voulut essayer sur Hentzi une dernière voie de capitulation, déclarant, au cas où ses offres seraient repoussées, qu’il ne laisserait pas ame qui vive dans la garnison ; à quoi le vieux reitre se contenta de répondre en quatre mots : « J’entends faire ce que m’ordonnent mon devoir et l’honneur, et défendrai la place jusqu’à mon dernier homme ; et, si les deux cités jumelles y périssent, que la responsabilité en retombe sur vous ! » À ce laconisme austère, la bouche du canon riposta, le siège fut repris de plus belle, et durant dix-sept jours se prolongea sans discontinuer ; de toutes les cimes environnantes, une pluie de bombes et de grenades ne cessait de tomber. À tout instant, les Hongrois revenaient à l’assaut : ce n’étaient plus alors ces gauches enrôlés de la veille, ces volontaires empêchés, raillerie et désarroi des bonnes troupes, mais de bardis honveds, dont, à force de patience et de discipline, Goergei avait fait des soldats, et qui, portant le courage jusqu’à l’audace et l’enthousiasme jusqu’au fanatisme, ne savaient plus reculer sous le feu que pour mourir. De son côté, Hentzi tenait parole, et, en même temps qu’il rejetait les assaillans, foudroyait Pesth, étendue à ses pieds. Bientôt la ville entière ne représenta plus qu’un immense incendie. Dans la nuit du 13, l’embrasement fut général. L’église de Léopold brûlait, les bains du Danube brûlaient, et aussi la redoute, le casino, le théâtre, l’hôtellerie de la Reine d’Angleterre. Enfin, le 21, Goergei donna l’assaut à la citadelle. Les volontaires s’élancèrent les premiers, puis vint le bataillon dom