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HILDA
OU
LE CHRISTIANISME AU CINQUIÈME SIÈCLE


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I.


Dans l’une des premières années du Ve siècle, à quelques lieues au-dessus de la ville de Trêves, une barque magnifiquement ornée remontait, par une belle journée d’automne, le cours tranquille de la Moselle. Douze esclaves penchés sur les rames faisaient voler rapidement cette barque entre les rives montueuses et verdoyantes du fleuve. Une tente de pourpre la recouvrait de ses replis flottans, qui frémissaient au souffle d’un vent léger. Les teintes roses que la lumière répandait dans l’intérieur y créaient un jour suave semblable aux clartés de l’aurore.

Une barque plus grande suivait la première à peu de distance ; elle portait une cinquantaine d’hommes et quelques femmes. Ici l’œil plongeait sans obstacle. Le soleil frappait les têtes nues des passagers immobiles, car ils devaient toujours être prêts à recevoir un signal parti de l’embarcation élégante qui les précédait, et sur laquelle tous avaient les yeux attachés. D’ailleurs personne n’avait songé à les protéger contre les ardeurs du soleil ou les intempéries de l’air : c’étaient des esclaves.

Il y avait là des chanteurs, des joueurs de lyre et des joueuses de flûte ; il y avait là des danseurs et des danseuses, des mimes et des bouffons munis de masques grotesques et de déguisemens variés pour pouvoir représenter sur-le-champ une scène mythologique ou une