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devinrent loi de l’état, on s’explique aisément la pensée qui les dicta. Bonaparte aimait la règle, mais il n’aimait pas la liberté. Il se flattait de l’espoir de tenir sous sa main énergique l’épiscopat tout entier, et, lui livrant sans condition le clergé du second ordre, il croyait en avoir ainsi le gouvernement sans responsabilité ni souci. D’un autre côté, il était difficile à cette époque de renoncer à tenir le clergé dans une étroite dépendance. Une église que les événemens avaient divisée, des prêtres dont les uns avaient adhéré aux lois révolutionnaires, tandis que les autres les avaient poursuivies de leurs anathèmes, les ministres de la religion dispersés et long-temps soustraits à toute surveillance, le concordat même devenu l’occasion de dissentimens que le temps devait effacer, mais dont la vivacité était extrême à l’origine, les paroisses de la république entière à pourvoir à la fois de ministres, — que de raisons pour n’admettre ni l’inamovibilité ni des garanties analogues !

Les temps ne sont plus les mêmes. La liberté s’est associée à la règle. Le pouvoir politique n’est point investi de droits et n’exerce point une influence qui lui donnent les moyens de protéger le clergé du second ordre. Élevé, instruit, composé sous l’œil vigilant et sévère de vertueux prélats, invité par l’expérience à se tenir en dehors des débats irritans de la politique, le clergé secondaire ne saurait troubler l’ordre religieux ni la paix publique. Ce qui, à l’époque du concordat, pouvait devenir un élément de désordre ne serait plus qu’un hommage sans péril au principe même de nos institutions, une satisfaction légitime accordée à une classe de citoyens aussi nombreuse que digne d’intérêt.

On peut, dans cette pensée, augmenter le nombre des cures par l’attribution de ce titre à des succursales. Il y a aujourd’hui environ 2,300 cures et 27,500 succursales. Avant 1789, le nombre des premières était de 27,000 ; celui des annexes, dont les desservans étaient révocables, ne dépassait pas 2,500. Autant de cures créées, autant de titulaires pourvus de l’inamovibilité et protégés par la participation du pouvoir civil à leur nomination et par suite à leur révocation. Cependant, sans nous prononcer contre cette mesure, nous n’y trouvons qu’un palliatif sans efficacité réelle : il resterait toujours un nombre considérable de succursales, et le remède, l’approuvât-on, ne serait appliqué que très partiellement. Quand même il serait possible de donner l’inamovibilité civile à tous les desservans, nous y trouverions plus d’inconvéniens que d’avantages. L’inamovibilité a pour conséquence d’attacher celui qui en jouit à sa résidence aussi bien qu’à son titre. Or, il est souvent nécessaire, dans un intérêt d’administration et de bonne harmonie, de déplacer un desservant ; des difficultés locales, un dissentiment avec les magistrats civils, un accident qui a nui à la considération du prêtre, des bruits, même non justifiés, qui ont terni sa réputation, il n’en faut pas davantage. Cette dépendance peut froisser des convenances privées, mais elle est commandée par les besoins publics,