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L’épiscopat français brille par la vertu, la modération, la pureté, l’orthodoxie. À peine y pourrait-on signaler quelques caractères inquiets, quelques hommes dont le zèle n’est pas toujours contenu par la prudence. On y désignerait plus aisément bon nombre de prélats éminens par le talent et par la science. Grâce à la réserve modeste du clergé et à l’absence de ces sollicitations honteuses qui ailleurs ne s’arrêtent devant aucun scrupule, la nomination des évêques n’a été ni entravée, ni viciée par les brigues et les scandales, trop fréquens dans les autres services publics. Libre dans son action, placé sous le poids d’une immense responsabilité devant le siècle et devant l’église, le gouvernement a fait des choix qui, presque sans exception, ont obtenu l’approbation de tous et en particulier celle du clergé lui-même. Convient-il de modifier un régime dont les heureux résultats sont certains et de se livrer à des expériences qui peuvent tromper ceux mêmes qui s’en montrent les partisans ?

Cette considération de prudence politique n’est pas la seule qui puisse être invoquée. Le droit de nomination accordé au gouvernement établit entre lui et l’église catholique des rapports utiles ; il est le lien qui les unit. L’état, par la nomination, appelle à la tête des diocèses les prêtres les plus dignes de sa confiance et n’a pas à redouter des choix hostiles ou irréfléchis. L’église, par l’institution, peut s’assurer que les intérêts de la foi n’ont pas été sacrifiés aux intérêts de la politique. L’évêque tient en même temps du pouvoir civil et du pouvoir religieux. Cette double origine lui rappelle les doubles devoirs qu’il contracte. Issu de l’élection, il serait exposé à considérer exclusivement son caractère religieux et à traiter l’état en étranger, sinon en ennemi. Nommé par le gouvernement, il trouve, malgré son inamovibilité, dans le souvenir de la confiance dont il a été honoré, un sentiment de sympathie et de bienveillance qui l’anime et l’inspire dans l’exercice de sa prélature.

Tout autre système crée des difficultés presque invincibles. — A qui l’élection sera-t-elle remise ? Aux autres évêques ? C’est leur conférer un pouvoir qui dépasse les limites de leur autorité, c’est placer en leurs mains l’église de France tout entière. On sait d’ailleurs à quels abus donne lieu le droit conféré à un corps de se recruter lui-même : une jalousie exclusive y domine tôt ou tard ; les supériorités font ombrage et sont systématiquement exclues par la médiocrité envieuse. — Composera-t-on dans chaque diocèse un collège électoral formé parmi certaines catégories ? L’esprit local prévaut avec ses petitesses, ses prédilections étroites. Les hommes éminens ne peuvent se faire jour. Par la limitation du nombre, le système électif est altéré dans sa source. — Admettra-t-on tout le clergé du diocèse à voter ? Où sont les garanties de lumières, de discernement, d’impartialité ? Une