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C’est un droit consacré par une coutume générale et par un usage immémorial. « On ne pourrait, écrivait Portalis, refuser ce droit à un gouvernement sans lui disputer celui de se conserver et de se défendre. Le système qui assurerait l’exécution parée des actes de la cour de Rome, sans une vérification préalable, favoriserait dans les états catholiques l’introduction d’une foule de règlemens, souvent inconciliables, soit avec la discipline religieuse, soit avec l’ordre de ces états. Il détruirait l’indépendance des gouvernemens, il soumettrait leur autorité à une législation étrangère, indéfinie et supérieure. » La même règle, par des raisons semblables, est appliquée aux décrets des synodes étrangers et même à ceux des conciles généraux.

En second lieu, les précautions prises contre les actes de la cour de Rome sont étendues à ses délégués. Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne peut, sans l’autorisation du gouvernement, exercer, sur le sol français ou ailleurs, aucune fonction relative aux affaires de l’église gallicane. Si les agens du saint père avaient le droit de remplir officiellement des fonctions ecclésiastiques ou politiques en France, les droits du clergé national et ceux du gouvernement seraient également en péril.

Enfin l’état adopte officiellement les principes consignés dans la déclaration du clergé de 1682, principes qui ont toujours été la règle de l’église de France.

Ces trois dispositions principales, la vérification des actes de la cour de Rome, l’exclusion de tout délégué de cette cour non agréé par le gouvernement, et l’adoption légale de la déclaration de 1682, sont aujourd’hui ce que les articles organiques ont emprunté aux libertés de l’église gallicane, ou, pour mieux parler, aux libertés de toutes les églises catholiques établies hors de Rome ; car on se méprend étrangement quand on considère ces dispositions comme exclusivement applicables à la France : elles sont communes à tous les états catholiques.

Certains esprits, plus ardens que sages, se récrient vivement contre ces libertés. On ne leur épargne ni injures ni sarcasmes. On les attribue aux préjugés parlementaires, étroits et hostiles à l’église ; elles n’ont plus, dit-on, de raison d’être : y revenir est un anachronisme. Tout est changé dans le monde ; la séparation absolue du temporel et du spirituel est consommée, ou plutôt, tandis que Rome a renoncé à s’immiscer dans les affaires de l’état, c’est l’état qui prétend toujours dominer l’église et lui forger des chaînes, sous le titre menteur de libertés de l’église gallicane.

Oui, de grands changemens se sont accomplis, mais n’en a-t-il pas été tenu compte ? Il suffit de comparer les articles organiques avec les libertés de l’église gallicane, telles que Pierre Pithou les a rédigées,