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Cette règle est nécessairement applicable aux établissemens du culte. Avant d’accorder une autorisation, le gouvernement recherche si la volonté du bienfaiteur n’a point été contrainte par des influences illégitimes, si les établissemens favorisés ont besoin de ressources nouvelles, si les familles n’ont pas été dépouillées par un esprit de haine aveugle ou de dévotion outrée, si des parens pauvres n’ont pas été privés de ressources auxquelles les liens du sang leur permettaient légitimement d’aspirer.

À la possession de biens qui sont retirés de la circulation par une immobilisation sans terme, s’attache la nécessité d’une surveillance spéciale. L’autorité civile intervient pour autoriser les achats et les aliénations, pour prescrire ou permettre l’emploi des capitaux en rentes sur l’état, en réparations ou constructions d’immeubles, en achats d’ornemens. Elle remplit les fonctions de tutelle que la loi lui confère à l’égard de toute corporation placée dans les liens de la minorité.

Un autre pouvoir, d’une nature plus délicate, parce qu’il confine le spirituel, appartient à l’état. La loi qui reconnaît un culte l’adopte avec sa constitution, ses dogmes, ses maximes. La reconnaissance est un acte réfléchi, dont l’objet est défini ; elle repose sur des bases dont le législateur s’est rendu compte avant de l’accorder. Ces bases ne peuvent donc être changées sans l’aveu du pouvoir politique. Ce serait altérer les conditions du contrat, et une seule des parties contractantes ne le peut point. L’état n’aurait pas le droit d’y porter la main, mais il doit être informé des changemens qui sont proposés, et il peut s’y refuser, si l’ordre social le réclame. Le gouvernement n’exerce point, à cet égard, un pouvoir actif et une autorité de commandement ; il n’est armé que d’une sorte de veto. Il procède comme dépositaire des intérêts publics, non en pontife, mais en magistrat public. La loi devait consacrer ce droit de l’état ; on ne peut se dissimuler pourtant qu’il est plus nominal que réel. Il est difficile de supposer que les cultes reconnus changent leur doctrine, et l’état éprouverait quelque embarras à prendre parti dans de telles questions. Dans les gouvernemens mêmes où le souverain est chef de la religion, il hésite toujours à intervenir dans les choses qui ne touchent qu’au dogme. C’est ce qu’on a vu récemment en Angleterre. Les garanties établies à cet égard par nos lois ne sont donc qu’une précaution prise pour des cas extrêmes, et à laquelle il est probable que le gouvernement n’aura jamais à recourir.

Enfin la reconnaissance confère aux membres du sacerdoce un caractère officiel ; ils deviennent, dans une certaine mesure, des délégués du pouvoir public. Celui-ci prend, directement ou indirectement, part à la nomination des principaux d’entre eux, de ceux qui doivent exercer