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La liberté des cultes, réglée par des lois protectrices et répressives, est donc le régime à la fois le plus propre à satisfaire au vœu des consciences et le plus favorable aux intérêts publics. Ce régime existe-t-il en France ? Pour répondre à cette question, il faut jeter un regard rapide sur le passé.

Dans les pays qui sont le plus complètement en possession de la liberté des cultes, en Hollande, en Angleterre, aux États-Unis surtout, la liberté s’est établie sous l’empire irrésistible des faits ; la réunion de croyances diverses sur un même territoire la préparait inévitablement. La liberté n’a pas triomphé sans résistance : des luttes prolongées et sanglantes ont souvent précédé son avènement ; mais elle a triomphé ; elle a été proclamée comme un fait, et, une fois conquise, elle s’est définitivement établie. Il n’en a pas été de même en France. La prédominance absolue de l’église catholique y avait étouffé les sectes nombreuses qui se partageaient d’autres pays : les protestans seuls et les Israélites étaient intéressés à la liberté des cultes, et les lois qui la consacrèrent pour tous, sans les restreindre à aucun en particulier, répondaient plus à la pensée des écrivains du XVIIIe siècle qu’à un besoin réel et actuel. Ailleurs, on reconnaissait des droits qui n’avaient pas attendu cette reconnaissance pour s’exercer : en France, dans sa formule abstraite, la liberté des cultes était plus spéculative que pratique, et s’introduisait dans les lois comme un principe philosophique. C’est ce qui fait que, depuis 1789, elle a suivi dans leurs diverses phases la politique, les systèmes de gouvernement et les préoccupations religieuses des nombreux pouvoirs qui se sont succédé.

Au moment de la révolution, personne ne l’ignore, malgré les écrits des philosophes, malgré l’opinion publique attirée à leurs doctrines, la liberté des cultes n’existait point. L’édit de Nantes, ce dernier refuge de la tolérance, était révoqué depuis plus d’un siècle. Un culte exclusif, trop souvent armé de la persécution, régnait en maître absolu.

Ce fut un des premiers objets dont s’occupa l’assemblée constituante, à l’occasion de la déclaration des droits qu’elle avait résolu de proclamer à la face du monde comme les fondemens de la société nouvelle. En ce qui touche la liberté religieuse, la déclaration des droits se renferma dans les termes d’une formule générale. L’article 10 était ainsi conçu : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Cette formule semblait reconnaître plus encore la liberté de conscience que la liberté des cultes, mais la discussion qui en précéda l’adoption, et notamment les discours de Mirabeau, prouvent que l’assemblée les avait toutes deux en vue. La constitution de 1791 fut plus explicite. Elle garantit « à tout homme la liberté d’exercer le culte religieux auquel il est attaché. » En même temps, par le transport des registres de l’état civil des mains du clergé dans celles des magistrats